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Le Monde
L’intrigante hausse de la mortalité infantile en France
Article mis en ligne le 3 mai 2022

Depuis une dizaine d’années, les morts de nourrissons de moins de 1 an augmentent au rythme de 0,04 mort pour 1 000 naissances vivantes par an sans que les causes en soient clairement identifiées.

Autrefois fréquentes, les morts de nourrissons sont associées, dans l’imaginaire collectif, à une époque désormais lointaine, celle de l’après-guerre. Au cours des dernières années, le taux de mortalité infantile est devenu un marqueur de développement des nations. (...)

Depuis le début du XXe siècle, il a continûment baissé en France, cédant seulement en 1914-1918 et en 1939-1945 aux soubresauts de la guerre. Mais cette décrue a cessé depuis une dizaine d’années, pour la première fois en temps de paix.

Cette nouvelle tendance à la hausse, discrète, était passée sous les radars des rapports démographiques. Mais une étude publiée début mars dans la revue scientifique The Lancet a établi un constat inquiétant : après une baisse rapide du taux de mortalité infantile jusqu’en 2005, la tendance se ralentit pour augmenter à partir de 2012, à un rythme de 0,04 mort pour 1 000 naissances vivantes par an. Selon les données Eurostat, la France occupe la 25e place en Europe en la matière, avec 3,8 morts pour 1 000 naissances vivantes en 2019. Loin derrière la Suède, la Finlande, la Norvège (2,1) ou, plus proche de nous, l’Italie (2,4).

A partir des données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), l’équipe de chercheurs français, pour la plupart du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Cress, Inserm-Université de Paris), a analysé des séries chronologiques en France entre 2001 et 2019. Résultat : sur la période, 53 077 enfants n’ont pas vécu plus d’une année. (...)

Presque la moitié de ces morts (47,8 %) sont survenues pendant la période néonatale précoce, c’est-à-dire la première semaine de vie, en grande partie le premier jour (24,4 %). (...)

En juin 2018, un focus de l’Insee alertait déjà sur le fait que, après des décennies de baisse, la mortalité infantile était devenue stable en 2005. La date précise à partir de laquelle la tendance est partie à la hausse n’est pas précisément connue, mais elle se situerait aux alentours de 2012 (...)

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 Hausse de la mortalité infantile en France : les chercheurs tentent d’en comprendre les raisons

(...) Pour les chercheurs de l’Inserm, auteurs de cette étude, ce phénomène est préoccupant. En effet, le taux de mortalité est un indicateur-clé pour évaluer la santé d’une population.

Des données à croiser et à analyser

Les chercheurs veulent comprendre la raison de cette hausse : ces enfants étaient-ils prématurés ? Ou bien malades ? Y a-t-il eu un problème de prise en charge ? Si le professeur Jean-Christophe Rozé, co-auteur de l’étude, ne peut pas "expliquer clairement" la raison de cet "excès", il indique qu’il y a "beaucoup de données déjà existantes et enregistrées sur des bases de données" : "Il y a un problème de temporalité d’accès et d’interconnexions de ces données. (...)

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(...) Prématurité, santé de la mère... Des explications encore hypothétiques

Les auteurs de l’étude se contentent d’avancer quelques hypothèses pour expliquer cette hausse. Ils rappellent notamment que les principaux facteurs de risque de décès précoces sont liés à la prématurité et la présence d’anomalies congénitales, et que ces facteurs sont à leur tour affectés par la santé maternelle avant et pendant la grossesse, et par des facteurs socio-économiques. En ce qui concerne la santé maternelle avant et pendant la grossesse, les enquêtes nationales périnatales françaises ont révélé que l’âge maternel, l’indice de masse corporelle et le tabagisme pendant la grossesse avaient augmenté régulièrement au cours de la période d’étude, soulignent-ils. "La proportion de mères de plus de 35 ans est passée de 12,5% à 21,3% entre 1995 et 2016 et que la proportion de femmes obèses est passée de 7,5% à 11,8% entre 2003 et 2016." Après la période néonatale, les décès de nourrissons ont également cessé de diminuer en France. Pour les chercheurs, l’une des explications pourrait être le niveau élevé du taux de mort subite du nourrisson chez nous par rapport aux autres pays européens.