
Qui veut casser la dynamique de l’agriculture bio française ? Des centaines d’agriculteurs bios ont manifesté partout en France ces 21 et 22 février pour réclamer à l’État et aux régions le paiement des aides publiques prévues qu’ils attendent depuis deux ans. Dotées par l’État à hauteur de 25%, et par l’Europe à hauteur de 75%, plusieurs aides de la politique agricole commune (PAC) visent à soutenir l’agriculture biologique. Elles sont gérées par les régions et se déclinent en deux volets : l’aide à la conversion et l’aide au maintien.
« Toutes les versements sont en retard, détaille Dominique Marion de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab). Entre 25 000 et 27 000 agriculteurs sont impactés par ces retards, les plus fragiles sont ceux qui sont en période de conversion. » Ceux-ci ont procédé des investissements, leurs rendements ont temporairement diminué avec la fin du recours aux engrais chimiques et aux pesticides, mais ils ne peuvent pas encore vendre leurs productions au tarif « bio ». (...)
« Un bug informatique qui dure pendant deux ans, on n’a jamais vu ça... »
La Fnab, qui a appelé à la mobilisation ces deux derniers jours, exige la prise en charge par l’État et les régions des intérêts sur les prêts contractés par les paysans bio pour faire face aux retards. « En ces temps de crise agricole et de chômage, on s’attendrait à ce que la croissance de ce secteur qui emploie deux fois plus de main-d’œuvre que l’agriculture conventionnelle suscite l’attention des pouvoir publics. C’est tout le contraire qui se passe ! », tempête la fédération.
« Quand on appelle la direction départementale du territoire (DDT, interlocuteur administratif local des agriculteurs, ndlr), ils nous disent qu’ils n’ont pas les outils en place pour calculer nos aides », s’étonne Kevin. « Ils n’arrivent pas à calculer combien les gens ont droit, reprend Dominique Marion. La PAC s’est complexifiée, les logiciels ont été modifiés, les services publics n’arrivent plus à suivre. L’Europe a en plus obligé la France à revoir son référentiel cadastral (la cartographie des terres agricoles, ndlr), ce qui a occasionné un retard supplémentaire. »
Dans les campagnes, cette explication fait doucement rigoler. (...)
Entre ces retards de paiement et l’annulation fin janvier par le Conseil constitutionnel de l’obligation légale d’introduire 20% de bios dans les repas des cantines, les agriculteurs bios commencent à se lasser [1]. Et ils alertent sur les risques sérieux de voir se briser l’élan de l’agriculture bio française. Contacté par Basta !, le ministère de l’Agriculture est aux abonnés absents. Probablement encore un bug...