
Il existe dans le monde francophone une publication qui, depuis plus de dix-sept ans, traite exclusivement des relations entre ce que l’on nomme le geste artistique et la réalité politique des sociétés contemporaines. Elle le fait autant en termes de pensée que d’action, en s’efforçant de montrer l’importance et la valeur de pratiques peu spectaculaires mais essentielles, qui souvent s’inventent ou prennent place dans des lieux de relégation.
Ce combat de civilisation rappelle celui que menèrent en leur temps les pionniers de l’écologie qui eurent tant de mal à être entendus et ne le furent qu’à la « faveur » d’un certain nombre de catastrophes et de menaces sur notre environnement naturel – et au prix d’une opiniâtreté sans faille. Mais les catastrophes et les menaces qui planent actuellement sur nos sociétés touchent directement l’être humain. C’est ce dont il a toujours été question dans cette revue : la défense de ces outils symboliques qui servent à créer des langages pour la construction de l’humain, que le système néolibéral cherche par tous les moyens à affaiblir ou à détruire. Il n’y a pas aujourd’hui dans le monde francophone d’autre publication exclusivement consacrée à ce sujet que nous considérons comme brûlant dans la période très inquiétante que nous traversons. Ce n’est peut-être pas exactement le moment qu’elle disparaisse.
Mais le paradoxe de l’époque n’est plus à démontrer : plus la marchandisation générale s’accélère dans nos sociétés, plus les outils culturels qui permettent de lutter contre ce phénomène deviennent indispensables et plus on assiste à l’amenuisement de leurs possibilités d’existence. Pour ce qui concerne les publications de ce type, qui n’ont aucune vocation mercantile, les problèmes de visibilité et de diffusion sont évidemment cruciaux. Comment faire pour être visible lorsqu’on se refuse à la tyrannie du vedettariat et, surtout, lorsqu’on ne dispose pas des moyens de passer par les gros diffuseurs centralisés qui exigent des quantités démesurées d’exemplaires imprimés, ruineuses pour des structures non-commerciales ?
C’est le problème majeur que nous rencontrons.
Et, comme d’autres, nous n’avons pas trouvé la réponse, parce qu’aujourd’hui cette réponse n’existe pas. (...)
Notre situation financière ne nous permettant pas de continuer sans soutiens accrus, le moment est donc venu de poser publiquement la question. Avant de nous résoudre à saborder cette frêle et précieuse embarcation construite en novembre 1995, il nous reste à essayer de savoir s’il existe dans ce pays – et peut-être ailleurs dans le monde – suffisamment de volontés actives de soutenir un travail de valorisation des actions artistiques peu visibles, en lien avec les préoccupations des peuples. En un mot, un espace de défense du symbolique face aux écrasantes armées du chiffre en marche dans le monde, qui nous menacent à moyen terme d’une déshumanisation de l’humain. Alors il faut nous adresser à vous.
C’est ce que nous faisons aujourd’hui avec la création de l’Association des amis de Cassandre/Horschamp. (...)