
Surcharge administrative, turnover dans les structures, fermeture de places et augmentation des mesures de placement… Si les difficultés des travailleurs sociaux datent d’avant le Covid-19, la crise sanitaire a considérablement dégradé les conditions de travail. (...)
Un jour, le corps de Caroline – le prénom a été modifié à sa demande –, éducatrice spécialisée dans une association de protection de l’enfance lilloise, « a dit stop ». Alors, à son tour, elle a rejoint ses sept collègues – sur une équipe de onze – en arrêt maladie. Une situation sans précédent dans ce service d’action éducative en milieu ouvert renforcé qui prend en charge des adolescents réputés « incasables ».
Avec la crise sanitaire, les conditions de travail de ces salariés, comme celles de nombre de professionnels de la protection de l’enfance, se sont dégradées. Même les plus chevronnés craquent. « Pendant le Covid, on a fait du travail social depuis chez nous, c’était du free-lance sans horaires postés, explique Caroline. On ne prenait plus le temps de parler des situations des ados avec les collègues. » Or, ce sont précisément les réunions d’équipe et les moments d’échanges collectifs entre professionnels et avec les jeunes, suspendus au cours des derniers mois, qui permettent à l’équipe de tenir face à ces « situations », dont près de 90 % sont liées à des violences sexuelles.
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En France, environ 330 000 jeunes relèvent de la protection de l’enfance. De la simple mesure éducative jusqu’au placement, cette mission est dévolue aux départements depuis les lois de 1983 sur la décentralisation, et en grande partie assurée par le secteur associatif. Educateurs spécialisés, psychologues, assistants familiaux (les « familles d’accueil ») et sociaux… L’année de crise sanitaire a éprouvé nombre de ces professionnels qui se retrouvent bien souvent exsangues, au bord du burn-out, désespérés face au dévoiement de leur mission.
Alors qu’un projet de loi sur la protection de l’enfance arrive à l’Assemblée nationale en juillet, les piquets de grève se multiplient au niveau local, comme ce fut le cas déjà en 2018-2019. Fait inédit, un mouvement de grève nationale des familles d’accueil a été lancé le 20 mai à l’appel de la CGT-Services publics, pour réclamer une revalorisation de leur statut.
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« Avant, on avait une gestion autonome de notre agenda qui permettait de s’adapter aux familles, mais, désormais, c’est rentabilité et flicage », dénonce Aline, psychologue clinicienne.(...)