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L’UE reconnaît un "usage excessif de la force" des garde-côtes libyens, mais continue de les soutenir
Article mis en ligne le 26 janvier 2022

Dans un rapport confidentiel, l’Union européenne reconnait que les autorités libyennes ont eu recours à un "usage excessif de la force" envers les migrants et que certaines interceptions en Méditerranée ont été menées à l’encontre de la règlementation internationale. Pourtant, l’UE, qui forme les garde-côtes et leur fournit des équipements pour bloquer les flux migratoires, entend maintenir son soutien aux forces libyennes.

C’est un document accablant que s’est procuré Associated Press (AP). Dirigé par Stefano Turchetto, le chef de l’opération Irini , et remis en janvier aux responsables de l’Union européenne (UE), un rapport militaire confidentiel reconnait "l’usage excessif de la force" sur les migrants par les autorités libyennes. Selon le texte, la formation prodiguée aux forces libyennes par les Européens n’est "plus pleinement suivie". (...)

Depuis 2017, l’Italie, avec le soutien de l’UE, forme les garde-côtes libyens et leur fournit des équipements, afin d’intercepter en Méditerranée un maximum de migrants désireux de rejoindre le Vieux continuent. Au total, en quatre ans, 32,6 millions d’euros ont été alloués à Tripoli pour bloquer les flux migratoires, d’après l’ONG Oxfam. (...)

Des tactiques "non conformes à la formation" de l’UE et à la réglementation internationale

Le rapport convient que "l’impasse politique" en Libye a entravé le programme de formation des garde-côtes, dispensés par l’UE. Selon les auteurs, les divisions internes du pays rendent difficile l’application "des normes de comportements appropriés conformes aux droits de l’Homme, en particulier lorsqu’il s’agit de migrants irréguliers". (...)

Mais en dépit de ce constat, l’Union reste déterminée à former les Libyens et à renforcer leur capacité à gérer une vaste zone de recherche et de sauvetage en Méditerranée (SAR zone). "En matière de migration, notre objectif est de sauver la vie des gens, de protéger ceux qui en ont besoin et de lutter contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants", a déclaré à AP le porte-parole pour les Affaires extérieures de l’UE, Peter Stano. (...)

Pourtant, malgré les équipements fournis à la Libye pour sauver des vies, plus de 1 500 personnes sont mortes ou ont disparu en Méditerranée centrale l’an dernier, soit le nombre le plus important jamais enregistré depuis 2017.

De plus, les pratiques violentes employées en mer par les autorités libyennes ont été largement documentées ces dernières années. Il y a quelques jours encore, le navire humanitaire Louise Michel a rapporté avoir vu un patrouilleur libyen tirer sur un migrant qui avait sauté à l’eau pour leur échapper. (...)

Un chef de milice à la tête des centres de détention

Sur la terre ferme aussi, les autorités libyennes ne donnent pas de gages de confiance. Tripoli a nommé le mois dernier à la tête du Département de lutte contre la migration irrégulière (DCIM selon l’acronyme anglais) Mohammed Al-Khoja, un chef de milice impliqué dans des abus contre les migrants. Ce dernier supervise désormais les centres de détention du pays, tristement connus pour être des lieux de violations des droits. Les exilés enfermés dans ces structures après avoir été interceptés en mer y sont victimes de travail forcé, de violences physiques et sexuelles, ou encore d’extorsion. (...)

"Les mêmes personnes chargées de démanteler le trafic sont les trafiquants eux-mêmes", déplore à AP Violeta Moreno-Lax, fondatrice du programme de droit à l’immigration à l’université Queen Mary de Londres.

Les critiques à l’égard des politiques migratoires européennes ne cessent de se multiplier. Au moins trois requêtes ont été déposées auprès de la Cour pénale internationale (CPI) afin que des responsables libyens et européens, des trafiquants et des miliciens fassent l’objet d’investigations pour crimes contre l’humanité. Une enquête de l’ONU publiée en octobre fait état d’abus commis en Libye, notamment dans les prisons, qui pourraient constituer des crimes contre l’humanité.