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’L’Homme nu’, de Marc Dugain et Christophe Labbé : analyse d’un nouvel impérialisme.
Article mis en ligne le 11 février 2017
dernière modification le 6 février 2017

"Car la philosophie libertarienne (chacun pour soi, abolition des états, des impôts, création d’une élite entrepreneuriale) portée par les Bill Gates, Mark Zuckerberg, le défunt Steve Jobs et autres souriants grands patrons 2.0 (ah, le joli story-telling, la success-story bien ficelée...) s’accommode très mal de ce vieux bidule que l’on nomme démocratie."

Imaginez un monde où, sous couvert de santé publique et de gestion des dépenses, chacun se verrait équipé d’instruments de mesure de son poids, de ses efforts physiques quotidiens, du nombre de calories avalées matin midi et soir, ces données étant directement envoyées aux assureurs. Le montant de vos cotisations serait calculé selon vos ’efforts’.

Bonus : vous avez été obéissant, vous aurez votre remise tel un nonos. Malus : vous êtes un feignant pathologique, potentiellement coûteux, vous allez banquer.

Un monde où chaque mail, texto, note numérique, message privé via les réseaux seraient expédiés dès leur écriture au-delà des frontières nationales, étudiés, archivés, par des inconnus sans visage ni légitimité.

Un monde où les élections présidentielles se joueraient in fine entre les algorithmes choisis par les candidats pour influencer les indécis.

Un monde où votre web cam pourrait s’allumer discrètement et à distance, où votre PC pourrait être visité à volonté par des services étrangers, et ce sans mandat bien entendu.

Un monde où la lecture de votre ebook serait décortiquée de loin (quelles pages avez-vous sauté ? Sur lesquelles vous êtes-vous attardé ?)

Un monde où la vie privée serait annihilée.

Ce monde monstrueux existe et, nous y vivons. (...)

Ils nous parlent d’une dictature invisible, celle du numérique. Américaine de fait.

Intrusive, globale, cynique, dissimulée derrière des smileys abêtissants, des icônes infantilisantes, des prétentions louches à nous ’simplifier la vie’.

Balayons de suite le scepticisme de certains : nul discours anti-modernité ici. Les auteurs ne sont pas des réactionnaires ronchons et sont les premiers à reconnaître la formidable révolution qu’a été la naissance du web. Ce qui ne les empêche pas de s’interroger sur ses dérives (inscrites dès le début dans les gènes de cette invention militaire). (...)

"lorsque c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit." (...)

La donne change : d’un ultra-libéralisme insatiable on passe à un problème politique majeur. Et ce, à l’échelle mondiale.

Car c’est bien d’une nouvelle forme d’impérialisme dont nous parlent les auteurs. Consentie, sans bain de sang ni coup de force. Mais, sans limite non plus.

Le 11 septembre 2001 a été le déclic qui a rapproché les entités privées et publiques. "La lutte contre le mal" a été le slogan. La surveillance mondiale, les moyens." Quelle que soit l’origine ou la destination d’une information (un mail par exemple), ses fibres transitent à un moment ou à un autre par les États-Unis." Open-bar, pourrait-on dire, pour la NSA.

Les révélations d’Edward Snowden, sur cette écoute généralisée par les USA de ses ’amis’ (en politique, il n’y a pas d’amis. Au mieux des alliés, au pire des ennemis) n’ont rien stoppé au ’jeu’. À peine retardé la décision officielle de Bruxelles (le Safe Harbor, alors) d’autoriser les big data à transférer les données personnelles des internautes européens outre-Atlantique. Officieusement, de toute façon... (...)

complètement déconnectés, inconscients du nouvel ordre mondial, silencieux, totalitaire, qui s’est imposé depuis les années 2000, ils observent leur ancien pouvoir se faire deleted.

Ils se débattent tels des canards sans tête dans leur théâtre d’ombres, désormais loin, bien loin, des vraies manettes.

Et, nous, idiots utiles, bienheureux égocentriques, de nourrir toujours plus les monstres virtuels, gourmands et étrangers qui entendent nous remodeler sur notre fauteuil, nous formater, nous asservir. Nous menacer de révélations publiques compromettantes (puisqu’ils ont le matériau, forcément), si nécessaire ?

Il est trop tard ? Se retirer des réseaux sociaux est le meilleur moyen de déclencher la lumière rouge au-dessus de votre nom (vous devenez suspect, ’anormal’) ? Pour sortir de la caverne platonicienne, un livre à la main, il ne l’est jamais.

Un livre qui fait passer le ’1984´ de George Orwell pour un tendre conte pour enfants. Un ouvrage à lire. Absolument indispensable.