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L’« Affaire tournesol », une insurrection biologique contre les nouveaux OGM
Article mis en ligne le 7 juin 2019
dernière modification le 6 juin 2019

Dans l’Hérault, les semenciers démultiplient des tournesols devenus résistants aux herbicides. En lançant « l’Affaire tournesol », des militants locaux tentent, en disséminant des graines biologiques, de « contrecarrer » la production de ces OGM d’un nouveau genre, qui croissent dans une faille de la législation européenne.

(...) L’idée est simple : une fois fleuris, les plants bio attirent abeilles et bourdons, qui transportent ensuite les pollens butinés vers d’autres tournesols, dont certains sont des « variétés rendues tolérantes aux herbicides » (abrégées en VrTH). Autrement dit, des plantes dont les gènes ont muté sous l’effet de l’exposition à un pesticide [1]. Ainsi pollinisés par les gamètes des tournesols bio, ces OGM donneront des graines en partie « contaminées » (par les fleurs bio), qui ne pourront plus être vendues par les semenciers, car leur ADN sera considéré comme « impur ». (...)

L’opération, dénommée « l’Affaire tournesol » — un clin d’œil à une bédé de Tintin — a débuté au début du mois de mai dans l’Hérault. « Le département est une zone de production de semences de tournesol », explique Antoine, membre du collectif à l’origine de l’action. Des entreprises semencières, RAGT ou Syngenta, passent des contrats avec des agriculteurs-multiplicateurs [2], qui cultivent ces fleurs herbicides pour en récolter les graines, ensuite contrôlées et vendues comme semences « tolérantes aux herbicides ». RAGT commercialise ainsi deux variétés de tournesol sous la marque Clearfield, une « technologie » brevetée par le géant agrochimique BASF.
« On détruit tout, ça donne envie de pleurer »

Combien de surfaces sont-elles concernées ? « Impossible à savoir, il n’y a pas de chiffres, pas d’information, c’est très opaque », regrette le maraîcher. Contactée, RAGT nous a envoyé vers l’Union française des semenciers (UFS), l’organisation de ces professionnels, indiquant que « face à ces actions [de semis de plants bio], les semenciers souhaitent parler d’une seule voix ». L’UFS n’a pas pu nous répondre dans les délais impartis.

Au niveau national, un tiers des tournesols cultivés, soit 160.000 ha, seraient des variétés mutantes. (...)

« Pour que la contamination marche, il faut que les tournesols bio soient semés à moins de 3 km d’un champ VrTH. C’est grosso modo la distance que parcourent les insectes pollinisateurs, précise le paysan. Mais, comme on ne sait pas exactement où se trouvent les champs, on distribue auprès d’un maximum de personnes. » En quatre semaines, 11 kg de graines ont été distribuées sur les marchés du département, à Clermont-l’Hérault, Sète, Ganges, Béziers, Gignac ou Bédarieux. Sera-ce suffisant pour « contrecarrer » les plantes VrTH ? Peut-être pas, mais ces « semeurs volontaires » espèrent mobiliser la population : « On cherche à disséminer l’information, car beaucoup de personnes ne savent pas qu’on cultive actuellement des OGM en France », affirme Jean-Claude, par ailleurs faucheur volontaire et membre du collectif des semeurs du Lodévois-Larzac.
Transgenèse et « nouvelles techniques de modification génétique »

Car, officiellement, aucun OGM n’est cultivé en France. Enfin, aucun OGM obtenu par transgenèse, c’est-à-dire par l’introduction d’un gène étranger dans le génome d’une espèce végétale. Sauf que depuis quelques années se développent tous azimuts les « nouvelles techniques de modification génétique » (New Breeding Techniques, NBT), dont la mutagenèse. (...)

« Les entreprises restent volontairement opaques, déplore Christophe Noisette. Elles ne précisent pas quelles techniques elles utilisent, et arguent ensuite qu’elles n’ont recours qu’à de vieilles méthodes de mutagenèse », prétendument sans danger. (...)

Les gouvernements pourraient contrôler les dires des industriels en analysant le génome des semences vendues, par exemple, mais la volonté semble faire défaut. La France dit attendre la position du Conseil d’État à ce sujet. Et, au niveau européen, « il y a actuellement un lobbying effréné pour réviser la directive 2001/18 (...)

Dans l’Hérault, la première manche de l’« Affaire tournesol » devrait s’achever mi-juin… mais les semeurs espèrent reprendre la dissémination au printemps prochain.