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Reporterre
Julien Le Guet, l’homme qui fait trembler les mégabassines
#MegaBassines #eau #sécheresse
Article mis en ligne le 31 décembre 2022

Julien Le Guet est porte-parole du collectif Bassines non merci. Amoureux du marais poitevin depuis l’enfance, il est engagé corps et âme dans la lutte contre ces immenses réservoirs et pour la préservation de l’eau.

Julien Le Guet, l’un des premiers « écoterroristes » de France ? « Il ne faut pas mettre ça en titre ! », s’amuse le porte-parole du collectif Bassines non merci. On doit ce terme à Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, qui entendait ainsi criminaliser les opposants aux projets de bassines dans les Deux-Sèvres.

En guise de criminel, c’est un homme chaleureux que Reporterre a rencontré alors qu’il était de passage à Paris. Un rendez-vous bref. Son téléphone n’arrête pas de sonner. Preuve de l’importance que la lutte contre les mégabassines, ces énormes réserves d’eau dédiées à l’agro-industrie, a pris en France. Preuve aussi de l’efficacité d’un militant qui allie amour sincère d’un territoire menacé, le marais poitevin, art du bon mot — « no bassaran ! » hurle-t-il au micro lors des manifs — et radicalité dans la lutte. (...)

En ce moment, il fait le tour des médias, organise des conférences de presse et emmène les journalistes dans sa barque à la découverte des marécages du Poitou. Le tout pour faire passer son message : il s’agit d’une lutte pour le partage d’un bien commun, l’eau.

« Nous essayons de faire comprendre que ce n’est pas seulement un dossier charentais mais une affaire au retentissement national. » Mission accomplie : France 3 a diffusé début décembre un portrait du militant, « Julien, le marais et la libellule », et les mégabassines font parler d’elles jusqu’aux États-Unis, dans les colonnes du New York Times.

« Ils sont en train de nous préparer la même chose qu’à Bure »

La veille de notre rencontre, l’infatigable militant était devant le tribunal de Niort pour soutenir les cinq participants à la manifestation contre la bassine de Sainte-Soline, condamnés à des peines de prison avec sursis. (...) (...)

Lui a déjà vécu une garde à vue, une perquisition à son domicile, ainsi que quatre ou cinq auditions libres à la gendarmerie. (...)

À 23 ans, titulaire d’une licence de biologie, il a d’ailleurs tenté un engagement plus classique : il était notamment chargé de mettre en place une zone Natura 2000 dans le Parc naturel régional du Marais poitevin. Il a vite déchanté devant le poids des « lobbies agricoles, notamment celui de la FNSEA », le syndicat majoritaire. Retour au militantisme de terrain, donc.

Fort d’un savoir tant naturaliste que des politiques locales, quand il entend parler des mégabassines — dès les années 2000 ! — il se doute tout de suite de l’entourloupe. Officiellement baptisées « retenues de substitutions », elles sont à l’époque, comme aujourd’hui, présentées comme la solution pour concilier la préservation des milieux naturels et l’irrigation intensive. (...)

Si la lutte est médiatique aujourd’hui, grâce à un savant mélange de soutien politique et scientifique, d’intérêt renouvelé pour les actions coups de poing et d’aggravation du changement climatique, elle est loin d’être nouvelle. (...)

C’est en 2017 qu’elle est montée en force : à l’époque, Julien et d’autres ont lancé le collectif Bassines non merci. (...)

La bataille n’a fait que s’amplifier. Les militants ont multiplié les recours en justice, les pétitions et mobilisations. En quelques années, ils ont réussi le tour de force de réunir les syndicats, les élus, les tracteurs de la Confédération paysanne et les militants plus radicaux. (...)

Cette union n’est pas sans rappeler la grande époque de la zad de Notre-Dame-des-Landes, contre un projet d’aéroport. « Beaucoup de gens des bassines étaient aussi présents à Notre-dame-des-Landes. C’est la suite de l’histoire, une sorte de super comité de jumelage. (...)

Et qu’a-t-il fait quand il a su que la maison de son père, dans laquelle il organise des réunions du collectif, était espionnée par une caméra de surveillance ? Il l’a déplacée devant un terrier de loutre. « Le fait de s’en prendre aux puissants de manière un peu goguenarde, ça parle aux gens. Peut-être que la rigolade et la légèreté peut compenser la gravité de la situation. »

Après son père, c’est son neveu, Valentin, qui a été pris pour cible. Le jeune homme a été tabassé devant son domicile alors qu’il rentrait après un footing. Il aurait été insulté dans des termes qui, selon le collectif des Soulèvements de la Terre, ne laisseraient aucune ambiguïté quant aux motivations politiques de ses agresseurs. (...)

« La force, la fraternité, la sororité qu’on trouve chez les militantes et militants est incroyable. Je crois que j’ai besoin de lutter pour me regarder en face. C’est le combat de ma vie », (...)

Il a de quoi faire. Plusieurs rassemblements sont programmés dans les prochains mois, notamment une manifestation nationale le 25 mars prochain. « No bassaran ! »