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Mediapart
Jugé pour viol en Suisse, Tariq Ramadan se présente comme victime d’un « traquenard »
#femmes #TariqRamadan
Article mis en ligne le 18 mai 2023
dernière modification le 17 mai 2023

Au premier jour de son procès, l’islamologue a nié tout rapport sexuel avec la plaignante, qu’il accuse de « harcèlement ». Il évoque un « piège », exploité par ses « ennemis idéologiques » pour lui nuire.

Tout sépare Tariq Ramadan de Brigitte* : leur version des faits, leur exposition médiatique – les caméras le poursuivent quand il entre et sort du palais de justice, elle s’en cache tant bien que mal avec des lunettes fumées et un masque chirurgical ; même un paravent a été installé dans la salle d’audience, de rigueur en Suisse lorsqu’une plaignante demande à ne pas croiser le regard de celui qu’elle désigne comme son agresseur.

Lundi 15 mai s’est ouvert, à Genève, le procès de Tariq Ramadan pour trois viols et une « contrainte sexuelle » (l’infraction désignant une fellation forcée) qui lui sont reprochés dans la nuit du 28 au 29 octobre 2008, à l’hôtel Mon repos.

Ce soir-là, le conférencier et son admiratrice passent deux heures à discuter dans le lobby de l’hôtel avant de monter dans la chambre qu’il a réservée. Alors que le prévenu ne concède que quelques baisers et caresses par-dessus les vêtements, puis une nuit de sommeil commun presque extorquée par Brigitte, l’acte d’accusation retient plusieurs rapports sexuels contraints, accompagnés de coups et d’insultes d’une grande violence. Le ministère public genevois envisage de requérir une peine de deux à dix ans de prison. (...)

Brigitte n’a déposé plainte que dix ans après les faits, le 13 avril 2018, alors que le théologien était incarcéré en France pour une autre affaire. Dans ce dossier instruit à Paris, le parquet a demandé l’an dernier son renvoi devant les assises pour cinq viols qu’il conteste. La procédure française traverse l’audience suisse autant qu’elle l’empoisonne : les deux camps s’y réfèrent quand ça les arrange et rejettent ce qui les dérange.
« Pourquoi a-t-elle menti ? »

Au premier rang, bras et jambes croisés, Tariq Ramadan semble invincible. À 60 ans, l’élégant retraité d’Oxford a pourtant évoqué ses problèmes de santé. Atteint d’une sclérose en plaques, il se dit « intellectuellement diminué » et souffre de dépression mais sa combativité est intacte. Calme et précis, il ne paraît ébranlé qu’à bon escient, quand il laisse jaillir sa colère contenue pour la retourner contre celle qu’il appelle le plus souvent « la plaignante suisse ». (...)

Brigitte n’a déposé plainte que dix ans après les faits, le 13 avril 2018, alors que le théologien était incarcéré en France pour une autre affaire. Dans ce dossier instruit à Paris, le parquet a demandé l’an dernier son renvoi devant les assises pour cinq viols qu’il conteste. La procédure française traverse l’audience suisse autant qu’elle l’empoisonne : les deux camps s’y réfèrent quand ça les arrange et rejettent ce qui les dérange.

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Au premier rang, bras et jambes croisés, Tariq Ramadan semble invincible. À 60 ans, l’élégant retraité d’Oxford a pourtant évoqué ses problèmes de santé. Atteint d’une sclérose en plaques, il se dit « intellectuellement diminué » et souffre de dépression mais sa combativité est intacte. Calme et précis, il ne paraît ébranlé qu’à bon escient, quand il laisse jaillir sa colère contenue pour la retourner contre celle qu’il appelle le plus souvent « la plaignante suisse ». (...)

Tariq Ramadan a le champ libre pour dominer les débats. Le procureur, Adrian Holloway, économise ses questions comme s’il se réservait pour son réquisitoire. Les avocats de la plaignante, Robert Assaël, François Zimeray et Catalina de la Sota, sont régulièrement renvoyés dans les cordes. Le prévenu multiplie les déclarations sur son « honneur » – qu’on a sali et qu’il veut rétablir –, la « vérité » – qu’il rêve de voir éclater – et « l’acharnement » – auquel il entend mettre un terme.

« Je ne vais pas me laisser faire devant le mensonge et la manipulation », affirme-t-il encore, dessinant les contours d’un « traquenard ». « Depuis trente ans, je sais que je suis sous surveillance et que des gens veulent me faire tomber. Je suis une personnalité publique et je ne suis pas né de la dernière pluie. »

« Jeu de séduction » ou pénétrations imposées (...)

La théorie d’une alliance

Sur la foi d’échanges consignés par les enquêteurs, Tariq Ramadan échafaude une théorie, celle d’une alliance des femmes rejetées. Au fil des années, les futures plaignantes auraient mûri leur vengeance pour le perdre et nuire à sa famille, avec l’aide d’une ancienne maîtresse et de ses « ennemis idéologiques » : l’essayiste Caroline Fourest, le paparazzi Jean-Claude Elfassi, le journaliste Ian Hamel. « Mais si on est violée, on va à la police, on ne prend pas contact avec Caroline Fourest », raille le prévenu.

Pour lui, l’affaire est entendue. S’il a pu tromper et rechigner à l’avouer, comme l’aurait fait tout un chacun, ses infidélités ne se seraient transformées en accusations de viols qu’à la faveur du mouvement #MeToo. (...)