
Mercredi 30 octobre, les huit activistes de Greenpeace lourdement condamnés pour s’être introduits dans la centrale nucléaire de Cattenom en octobre 2017 étaient jugés en appel à Metz. L’ONG a plaidé l’état de nécessité et l’avocat général, qui représente l’État, a déclaré que des peines de prison seraient « contre-productives ».
ce mercredi 30 octobre, à la cour d’appel de Metz, l’horizon a semblé légèrement s’éclairer. Et pas seulement grâce au soutien des plus de 250 personnes rassemblées devant le tribunal pour soutenir les prévenus à coups de fanfare, de discours amicaux et de soupe chaude. (...)
Le délibéré a été renvoyé au 15 janvier 2020 mais l’avocat général, Julien Le Gallo, a qualifié de « contre-productives » les peines de prison prononcées en première instance. Il a demandé à ce qu’elles soient remplacées par des peines allant de 150 à 300 jours-amendes à 3 euros par jour. « C’est un soulagement pour l’ensemble des prévenus d’avoir eu le temps de réexpliquer les motivations derrière cette action, même si ça ne laisse rien présager du verdict, a réagi Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France, à la sortie des six heures d’audience, un peu avant 21 h. On a aussi entendu l’avocat général, et c’est une première, dire que les peines de prison n’étaient pas une réponse adaptée. »
« La question n’est pas de savoir pourquoi nous sommes entrés, mais comment il est encore possible que nous soyons entrés » (...)
« Nous avons mené cette action de manière pacifiste et non-violente pour montrer qu’il était possible de s’approcher du bâtiment de la piscine pour y tirer un feu d’artifice, et donc qu’une action malveillante est possible, a expliqué M. Julliard à la barre. Nous privilégions habituellement les actions classiques : nous avons publié des rapports, rencontré des ministres, l’Autorité de sûreté nucléaire [ASN] et des parlementaires, mené des actions de sensibilisation auprès du public… mais malgré cela, rien n’a été fait pour remédier à cette faille identifiée depuis des années. Nous étions obligés de mener cette action pour provoquer les changements nécessaires. D’ailleurs, c’est à la suite de cette action qu’une commission d’enquête parlementaire a été créée et a abouti à des conclusions proches des nôtres. » « Mais peu après le procès de Thionville, vous avez déclaré au Républicain lorrain que votre mode d’action ne changerait pas et que ce n’est pas de la prison ferme qui allait vous arrêter », a attaqué l’avocat d’EDF, Me Thibault de Montbrial. « En effet, notre action va se poursuivre et notre mode d’action ne changera pas tant que les failles de sécurité que nous avons identifiées ne seront pas comblées. Pour cela, nous demandons la bunkérisation des piscines de combustible », a calmement répliqué le directeur de Greenpeace. (...)
Restait à convaincre la cour de la gravité de la menace – l’autre pilier de l’état de nécessité. Pour ce faire, Greenpeace a convoqué à la barre deux spécialistes du nucléaire, l’ancien ingénieur en radioprotection Jean-Claude Zerbib et le docteur en physique nucléaire et président de l’association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (Acro) David Boilley. « Les piscines des réacteurs nucléaires et de La Hague ont été conçues avant le 11 septembre 2001, à une époque où le risque terroriste et le risque de chute d’avion n’étaient pas pris en compte. Or, de 1993 à 2015, 73 avions se sont écrasés en France, dont 19 à moins de 30 kilomètres d’une installation nucléaire civile ou militaire. Le réacteur Superphénix a fait l’objet d’une attaque au lance-roquette en 1982, heureusement sans conséquence puisqu’il était en construction », a énuméré M. Zerbib.
Or, un aéronef ou un projectile, s’il provoquait une brèche dans une des zones les plus vulnérables de la centrale et une perte d’eau, pourrait provoquer un accident d’une ampleur incommensurable. (...)
Ne pensez-vous pas que les ingénieurs d’EDF connaissent parfaitement ces risques et les mesures à prendre ? », a interrogé Me de Montbrial. « Si, mais je ne sais pas si le pouvoir est entre les mains des ingénieurs. Des arbitrages sont sans doute faits entre les coûts et la sûreté », a répondu M. Boilley.
Thierry Rosso, directeur de la centrale de Cattenom, a méthodiquement balayé toutes ces accusations. (...)