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Rue 89
Journaliste, je suis entré au centre de rétention de Lyon
/Lyon
Article mis en ligne le 25 juillet 2013

La présence des journalistes est rarissime à l’intérieur des centres de rétention administrative. Pour la première fois depuis le lancement d’une campagne demandant le libre accès pour la presse à ces lieux d’enfermement, deux journalistes ont pu passer les grilles d’un de ces lieux d’enfermement. C’était le centre de Lyon.

Ni mirador, ni murs d’enceinte mais deux grillages surmontés de barbelés. Voilà jusqu’à présent ce que les journalistes voyaient du centre de rétention administrative (CRA) de Lyon, en bout de pistes de l’aéroport Saint-Exupéry.

Comme ailleurs en France, les demandes de visite formulées par des médias étaient systématiquement rejetées, sans plus d’explication. Seuls les parlementaires ont accès régulièrement à ces centres où transitent chaque année plusieurs milliers d’étrangers en situations irrégulières avant une possible expulsion.
Mais les grilles seraient en train de s’ouvrir. Il y a un an, un collectif d’associations lançait la campagne « open access now » pour demander le libre accès des CRA aux journalistes et aux militants associatifs. Mais aucun n’avait pu y pénétrer. L’attitude du ministère de l’Intérieur semble bouger puisque Manuel Valls a annoncé qu’une future loi prévoira un droit d’accès pour la presse.(...)

Dans le cadre d’une deuxième vague de visites « open access », la députée européenne (PS) Sylvie Guillaume a tenté le coup d’une visite avec la presse. Cette fois-ci, le ministère de l’Intérieur a accepté. Rue89Lyon et l’AFP ont donc pu passer, ce mardi, de l’autre côté des grillages, avec l’eurodéputée Front de gauche, Marie-Christine Vergiat, également de la partie. Reportage.
(...)

Entre le portrait officiel de François Hollande et une publicité encadrée pour l’aéroport de Lyon, sur laquelle on peut lire cette phrase empruntée à Antoine de Saint-Exupéry : « La grandeur d’un métier est d’unir les hommes ».

Le métier du commandant, justement, est de « mettre en œuvre la mission le mieux possible ». Soit expulser les étrangers en situation irrégulière. Ce qui, en chiffre, se traduit par plus de 1500 personnes retenues en 2012 au CRA de Lyon. 53% étant, au final, expulsées. Pardon, il faut dire « éloignées ».

Car ici, le vocabulaire est sensible. Juridiquement, les personnes ne sont pas détenues mais sous le coup d’une mesure administrative de « rétention ». Donc les « retenus » ne s’évadent pas, ils « fuient ».(...)

Le commandant du centre accepte que l’on parle rapidement avec les personnes retenues présentes. Mais toujours en présence des eurodéputées, précise-t-il. Avec, également, quatre policiers dans notre dos. De fait, toutes nos questions sur les conditions de rétention seront éludées par nos interlocuteurs.(...)

le médecin et le commandant du CRA tombent d’accord : les personnes retenues souffrent plus d’être en instance d’expulsion que de l’enfermement. « Ce sont des situations de détresse », reconnaît-il, précisant :

« Les automutilations, surtout des scarifications, ont lieu en journée, suite à l’annonce de mauvaises nouvelles ».

Et les mauvaises nouvelles, elles sont nombreuses, racontent les juristes de Forum Réfugiés. Faire valoir ses droits est complexe. Depuis la loi de juillet 2011, les retenus ne passent devant le juge des libertés (JLD) qu’au bout de cinq jours. Julian Karagueuzian de Forum Réfugiés :

« Certains sont expulsés sans être passés par le juge censé contrôler la légalité de la privation de liberté ».

En outre les recours devant le tribunal administratif doivent être fait en 48 heures, à compter de la notification de l’OQTF (obligation de quitter le territoire français) à l’étranger. Bref, les juristes de Forum Réfugiés et les avocats du barreau de Lyon courent perpétuellement contre la montre pour rassembler un maximum de pièces. Sans parler de ceux qui font une demande d’asile. Elle doit être bouclée en cinq jours (au lieu de plusieurs mois en liberté). Surtout, l’entretien avec l’officier de l’OFPRA (administration en charge d’accorder ou non l’asile) se fait en visioconférence :(...)

L’absence (sauf exception) de l’enfermement des enfants est le seul changement majeur depuis l’élection de François Hollande. Un deuxième va peut être s’ajouter : la présence des journalistes dans les centres de rétention. Reste à savoir s’ils pourront s’y aventurer sans escorte et plus d’une demi journée.