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Le Monde
Jour sombre pour les droits des femmes tunisiennes
Article mis en ligne le 18 août 2020

Le président tunisien Kaïs Saïed appelle à une lecture littérale du Coran pour enterrer la question de l’égalité successorale entre hommes et femmes voulue par les mouvements féministes et une partie de l’opinion, analyse, dans une tribune au « Monde », l’historienne Sophie Bessis.

Tribune. Le 13 août 2020 restera comme un jour sombre dans la longue histoire des luttes des Tunisiennes pour l’égalité. Date anniversaire de la promulgation du code du statut personnel qui leur a donné des droits faisant de leur statut une exception dans le monde arabe, il est traditionnellement l’occasion pour le chef de l’Etat de dresser un état des lieux de la condition féminine dans le pays et de proposer, avec plus ou moins d’audace selon les moments et les circonstances, des avancées en la matière. Le président Kaïs Saïed n’a pas dérogé à la règle ce 13 août. Mais le discours qu’il a prononcé à cette occasion donne le signal d’une régression à laquelle les Tunisiennes n’étaient plus habituées de la part de leurs gouvernants.
Un des derniers bastions de l’inégalité juridique

Revenant sur la question de l’héritage, un des derniers bastions de l’inégalité juridique entre les sexes et qui a donné lieu à d’ardents débats ces dernières années, M. Saïed a invoqué une lecture littérale du texte coranique pour enterrer la question de l’égalité successorale remise sur le tapis par son prédécesseur sous la pression des mouvements féministes et d’une partie non négligeable de l’opinion. Pour l’actuel président, c’est donc le Coran – et lui seul – qui fait loi et trace une frontière que les revendications des femmes ne doivent en aucun cas franchir. (...)

Le chef de l’Etat est allé encore plus loin dans son coup d’arrêt à la marche de ses concitoyennes vers l’acquisition de la plénitude de leurs droits en révoquant la notion d’égalité au profit de celle d’équité. Ce concept flou, d’ordre purement moral et qui ne garantit aucun droit réel, est défendu depuis des décennies dans toutes les instances internationales par les Etats musulmans les plus conservateurs. La Tunisie, qui encore loin d’être un Etat égalitaire en matière de statut personnel a cependant fait de l’élargissement des droits des femmes un élément central de sa singularité, rejoint ainsi, par la parole présidentielle, le consensus conservateur qui prévaut dans le monde arabe. (...)