
Selon l’historienne américaine et théoricienne du genre, la tribune sur « la liberté d’importuner » relève d’une idéologie conservatrice et antidémocrate. Elle illustre bien un conflit politique et non un affrontement de générations ou de classes.
L’affaire Weinstein a provoqué un mouvement mondial. Qu’est ce qui se joue ? Une mobilisation inédite autour du corps des femmes ? De leur liberté ? De leur émancipation ?
L’affaire Weinstein et la campagne #MeToo qui a suivi ont en effet lancé un mouvement international, mais il est important de ne pas oublier les différents contextes qui entourent ces mobilisations multiples. Aux Etats-Unis, nous ne sommes pas obligés de remettre en question l’idée que notre identité nationale est fondée sur la pratique de la séduction. Une idée qui est, semble-t-il, très répandue en France, comme la tribune cosignée par Catherine Deneuve l’a clairement montré. Ce que tous ces mouvements ont en commun, c’est qu’ils remettent en cause ce que Pierre Bourdieu appelait « la domination masculine », l’exercice du pouvoir masculin dans le travail, la politique, et la famille. Je pense qu’il s’agit moins ici des femmes et de leurs rapports au corps, moins d’une question d’émancipation mais bien celle de se rebeller et de protester contre une culture du privilège masculin, une culture où les hommes croient que tout leur est dû, et qui fait dépendre de l’abjection des femmes la réalisation de la masculinité. Dans les mouvements féministes français du siècle dernier, l’analyse s’est concentrée sur les « rapports de forces de sexe ». C’est ce rapport qui est aujourd’hui l’objet de la critique de #MeToo à #Balancetonporc.
Assiste-t-on à un événement historique qui s’inscrit dans l’histoire du combat des femmes pour leur liberté ? Sommes-nous dans la continuité du Mouvement de libération des femmes des années 70 ?
Ces mouvements continuent la lutte féministe pour l’égalité, mais je pense que le mot « libération » n’est pas exact ; la question est celle de l’égalité qui date de bien avant les années 70. Il s’agit de l’expression actuelle de la contestation envers l’exercice abusif du pouvoir masculin. (...)