
Marie NDiaye, Kamel Daoud ou Erri de Luca : dix-sept plumes s’engagent auprès de SOS Méditerranée pour dénoncer la politique raciste et criminelle des pays de l’Europe. Jean-Marie Laclavetine s’en explique.
Une politique d’abandon organisée
L’équipage de l’Ocean Viking constate chaque jour, en pleine mer, le résultat de cette politique d’abandon organisée. Chaque jour ? Pas vraiment, car le navire reste parfois bloqué dans tel ou tel port, en butte à un acharnement administratif : le cynisme prend parfois la forme de ces tracasseries visant un seul but : empêcher des pieds étrangers de fouler notre sol. Disons-le clairement : la politique européenne en matière de gestion des flux migratoires est tout simplement raciste. Alors que nous ouvrons nos portes, à juste titre, aux réfugiés d’Ukraine, nous restons intraitables avec les non-Blancs, et déléguons à des pays extérieurs à l’Europe la charge de repousser les hordes faméliques venues du Sud. (...)
L’Ukraine, comme la Slovaquie, la Hongrie ou d’autres pays, sont devenus les garde-frontières de la citadelle européenne, qui les finance avec la très vague promesse d’une intégration future, afin qu’ils refoulent les migrants sans ménagements, ou les enferment en ignorant leurs demandes d’asile. À noter que les animaux des zoos ukrainiens ont eu plus de chance : les lions, les girafes et les chimpanzés ont pu trouver refuge dans des pays limitrophes sans que quiconque leur demande leurs papiers.
Parmi ces pays garde-chiourme, la Libye tient bien sûr un rôle de premier plan.
Les embarcations de fortune sont fréquemment interceptées en mer et déchargées dans les centres où viols, travail forcé, rançons, tortures, séquestrations, violences physiques sont des pratiques quotidiennes. Ces centres, nous contribuons généreusement à les financer. Les passeurs y font la loi, obligeant chaque jour des centaines de personnes, après les avoir rackettées, à embarquer sur des rafiots « de fortune » (l’expression se charge d’ironie noire) inaptes à faire la traversée jusqu’à l’Italie.
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