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Iran : le cinéaste Mehran Tamadon filme la torture pour "ébranler" les bourreaux
#iran
Article mis en ligne le 23 avril 2023
dernière modification le 22 avril 2023

L’un mime les fractures récoltées en prison, l’autre s’effondre en racontant sa capitulation, un troisième retrouve les automatismes de sa minuscule cellule d’isolement... le réalisateur Mehran Tamadon fait revivre leurs tortures à d’ex-détenus iraniens pour, espère-t-il, "ébranler" leurs bourreaux.

Après son documentaire "Bassidji", dans lequel il interagissait avec des membres de cette milice paramilitaire très crainte, le concept de son film "Iranien", qui le montrait converser avec quatre mollahs, déplut tant aux autorités que ses passeport iranien et français lui furent un temps retirés. Puis rendus fin 2012.

 ’Roulette russe’ -

Il quitta alors définitivement la République islamique d’Iran, dont la violence est selon lui "intériorisée" par tous, une brutalité qui fonctionne "comme la roulette russe" et "qui peut tomber", de manière "aléatoire", sur chacun.

En témoigne Mazyar, 50 ans, un ancien chef d’entreprise accusé d’assassinat, qui fabrique dans "Là où Dieu n’est pas" un lit de torture similaire à celui sur lequel il était attaché, où on lui a cassé des os des pieds avec un câble métallique. Puis il raconte comment, incapable de marcher, on l’a forcé à confesser devant une caméra des crimes qu’il n’avait pas commis.

Homa narre les prisons surpeuplées des années 1980, les coups, les insultes. Elle explose en sanglots quand elle se souvient du jour où, "trop faible", "impuissante", elle a été "brisée" par la propagande religieuse et s’est mise à prier, tournant le dos au marxisme dont elle se revendiquait. (...)

"Mehran prend des risques dans le fait de faire revivre un traumatisme (aux victimes), mais on comprend bien ce que cela fait d’être torturé. Il ne franchit pas les frontières, quand cela deviendrait obscène", observe Cristina Nord, une cadre de la Berlinale.

 ’Naïf’ -

Outre "Là où Dieu n’est pas", Mehran Tamadon sort également un second film, "Mon pire ennemi", dans lequel il devient lui-même victime de torture mentale. Son bourreau : l’actrice Zar Amir Ebrahimi, qui s’est enfuie d’Iran en 2008 après des mois d’interrogatoires et d’humiliations.

"J’ai apprécié te détruire avec les mots que je t’ai dits", confie vers la fin du film cette lauréate du prix d’interprétation féminine au dernier festival de Cannes, sans que le spectateur comprenne si elle suit un script, ou si elle se confie.

Le réalisateur revendique cet effet d’"abîme", destiné selon lui à "ébranler" les bourreaux. "Beaucoup de questions que je pose à mes personnages sur la conscience du bourreau leur sont adressées directement. (...) Peut-être que tout ceci sèmera une graine qui fera son effet plus tard", espère-t-il. (...)