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Inondations, glissements de terrain : l’Italie a trop construit
#Italie #inondations #glissementdeterrain
Article mis en ligne le 19 décembre 2022

En Italie, neuf communes sur dix sont menacées par des glissements de terrain ou des inondations. Des événements renforcés par l’urbanisation et le changement climatique.

Ischia se remet à peine du sinistre. Au petit matin du 26 novembre, cette île au large de Naples a connu un glissement de terrain, dû à des pluies torrentielles. Douze personnes en sont mortes. Le drame, lui, est loin d’être isolé. Des événements comme celui-ci, l’Italie en subit régulièrement.

94 % des communes italiennes sont menacées par des glissements de terrain, des inondations et/ou par l’érosion du littoral, selon une étude de l’Institut supérieur de protection et de recherche de l’environnement (Ispra). Dans dix régions du pays, dont la Ligurie (la région de Gênes) et les Marches, toutes les villes sont concernées.

Ainsi, mi-septembre dans les Marches, au centre de l’Italie, douze autres personnes sont décédées dans des inondations. Le 4 novembre 2011, la rivière Fereggiano et le torrent Bisagno qui traversent la ville de Gênes ont débordé à cause de pluies intenses, provoquant la mort de six personnes. (...)

« Nous avons provoqué la plupart des dégâts »

Avec trois quarts de son territoire constitué de montagnes et de vallons aux versants instables, l’Italie a une tendance naturelle à s’effondrer, explique le rapport de l’Ispra. Ces glissements de terrain sont surtout provoqués par des précipitations courtes et intenses, des pluies persistantes ou des tremblements de terre. Dans ces conditions, difficile d’ignorer l’ombre du changement climatique. Selon les projections du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), les précipitations journalières extrêmes s’intensifieront d’environ 7 % pour chaque degré de réchauffement planétaire supplémentaire.

Toutefois, le changement climatique n’est pas le seul coupable, souligne le géologue génois Guido Paliaga. « Nous avons provoqué la plupart des dégâts avec notre manière de nous installer sur le territoire », explique-t-il. En effet, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Italie a été le théâtre d’une bétonnisation sauvage et à outrance. Aujourd’hui, malgré des plans d’urbanisme, le phénomène persiste, précise l’Ispra. En 2021, 70 km² de sols ont été artificialisés (plus de 2 m²/seconde). Soit l’équivalent des trois quarts de la ville de Paris.

Conséquences : les sols sont imperméables et les habitants vivent dans des zones à risque. Avec ses bâtiments construits les uns sur les autres, à flanc de collines ou au bord des cours d’eau, Gênes est un exemple flagrant de cette urbanisation désordonnée. Avec les normes actuelles « un tiers des maisons n’aurait pas eu le droit d’être construites », estime Giacomo Raul Giampedrone, conseiller régional à la protection civile en Ligurie. (...)

Sans parler des cours d’eau dont l’espace a été réduit, voire recouvert, continue Guido Paliaga. Là encore, la ville portuaire fait figure d’exemple. (...)

« On en a marre des mots, on veut des actions »

À une centaine de kilomètres de Gênes, au cœur des Cinque Terre, ce sont les habitants de Manarola qui ont décidé de reprendre en main leur territoire après l’une des plus grandes inondations ayant frappé le parc national, patrimoine mondial de l’Unesco, en octobre 2011. Ce jour-là, par chance, Manarola a été épargnée. Mais les risques planent sur le petit hameau touristique de 400 habitants, coincé entre deux collines aux versants raides et instables. (...)

Si les cultures élevées en restanques à flanc de colline font la beauté de cette région, elles représentent surtout un danger. Depuis cinquante ans, près de 70 % des 11 hectares de terres sont laissés à l’abandon. Résultat : les canaux de drainage, qui acheminent l’eau, et les murs en pierre sèche tombent en ruine. (...)

Des habitants se sont donc mobilisés pour récupérer les terres abandonnées dans le but de reconstruire les murs en pierre sèche et de relancer l’agriculture. Un projet désormais soutenu au niveau européen. (...)

En Italie, l’abandon des terres, associé à la bétonnisation, a provoqué la perte d’un tiers des terrains agricoles en cinquante ans, selon l’association d’agriculteurs Coldiretti. Des territoires qui se dégradent et, surtout, qui ne sont plus sous la surveillance des paysans, rappelle Guido Paliaga. (...)