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Inde – Des paysans poursuivis pour la culture d’une pomme de terre
Article mis en ligne le 14 juillet 2019

En avril 2019, la multinationale PepsiCo portait plainte contre neuf paysans indiens de l’État du Gujarat pour avoir cultivé une variété de pomme de terre sélectionnée et protégée par un certificat d’obtention végétale (COV) sans y avoir été autorisé par l’entreprise. Les dommages et intérêts demandés étaient colossaux pour des paysans d’un milieu rural pauvre (10 million de roupies chacun, soit environ 128 000 euros). Depuis, PepsiCo a retiré sa plainte face à la résistance des paysans et de la société civile qui ont refusé de se laisser intimider.

La variété de pomme de terre FC5 a été développée pour avoir une humidité inférieure à la moyenne, parfaite pour la fabrication des chips Lay’s, marque de PepsiCo. L’entreprise dispose en Inde d’un certificat d’obtention végétale sur cette variété et seuls certains paysans sont autorisés à cultiver cette pomme de terre dans le cadre d’un contrat de vente exclusif avec la société. En avril 2019, PepsiCo attaquait en justice quatre paysans qui ont cultivé cette pomme de terre hors contrat dans l’État de Gujarat (côte occidentale de l’Inde) comme elle avait attaqué cinq autres paysans d’un district voisin quelques mois auparavant. Chacun cultivait ce tubercule sur un tiers d’hectare en moyenne et en culture vivrière.

PepsiCo invoquait l’infraction des ses droits en vertu de la section 64 de la loi indienne de 2001 sur la protection des variétés de plantes et les droits des paysans [1]. Mais la section 39 de ce même texte, invoquée en défense, introduit une exception au bénéfice des paysans et les autorise à conserver, utiliser, semer, resemer, échanger, partager ou vendre leurs produits agricoles, y compris les semences d’une variété protégée. Sous réserve qu’ils n’en vendent pas les graines comme "semences de marque" [2] (ou le matériel reproductif dans le cas des pommes de terre).

L’origine des semences et la connaissance ou non de leur nature par les paysans n’est pas claire. Il a été rapporté que les tubercules qu’ils ont utilisés provenaient de semences de ferme issues des cultures locales de l’année précédente. (...)

Levée de boucliers contre PepsiCo

En réponse à cette pression, le syndicat de paysans indiens All India Kisan Sabha [3] a notamment appelé au boycott des chips Lay’s et des autres produits de PepsiCo [4]. Cet appel s’est accompagné d’une mobilisation de la société civile, notamment sur les réseaux sociaux avec #BoycottPepsi ainsi que d’une couverture médiatique importante. PepsiCo a été accusée par ses opposants d’attenter à la souveraineté et à la sécurité alimentaire des paysans de cette région rurale et pauvre. (...)

Le verdict du tribunal prévu pour le 12 juin était très attendu mais, dès le 2 mai, PepsiCo annonçait retirer sa plainte [6]. En France l’affaire a également eu des échos avec une pétition lancée le 2 mai 2019 par Cyber’Acteurs (...)

À quelques jours des élections législatives en Inde, cette affaire a eu un rebondissement important dans un pays où la population rurale a encore une forte voix. Quelques figures politiques se sont indignées et ont défendu les paysans contre les attaques du géant étasunien. Mais les institutions gouvernementales indiennes sont restées silencieuses [8].
Depuis, les paysans et la société civile réclament des excuses et comptent engager une procédure pour obtenir compensation face au harcèlement dont ils ont fait l’objet [9]. Ils exigent également que l’État sorte de son silence et protège réellement les droits des paysans.