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Impact et incidences des politiques publiques dans le développement coopératif vénézuélien
Article mis en ligne le 14 septembre 2014
dernière modification le 5 septembre 2014

La constitution vénézuélienne adoptée en 1999 a attribué une place prépondérante à la participation populaire. Sur le plan économique et social, dans son article 184, elle facilite l’action des instances de cogestion, d’autogestion à travers la « participation des travailleurs à la gestion des entreprises publiques » et la « gestion d’entreprises sous forme coopérative et d’entreprises communautaires de service pour favoriser l’emploi » et « toute forme associative guidée par des valeurs de coopération mutuelle et de solidarité« 1.

L’économie sociale et le « développement endogène » figurent dans les axes prioritaires du gouvernement bolivarien. C’est dans cet esprit que la loi sur les coopératives est promulguée en septembre 2001. Si dans un premier temps, ses effets seront limités, les coopératives connaitront un véritable essor à partir de 2004 avec la mise en œuvre du nouveau modèle de développement » défini d’un point de vue stratégique comme « endogène ». Entre décembre 2004 et mai 2005, plus de 250 000 personnes seront formées aux valeurs du coopératisme. En septembre 2004, le gouvernement créera le ministère de l’Economie populaire (MINEP) pour institutionnaliser le programme Vuelvan Caras, promouvoir les Nude (Noyaux de développement) et coordonner le travail des institutions de crédit. Les coopératives seront considérées comme une composante essentielle « d’un modèle économique orienté vers le bien-être collectif plutôt que vers l’accumulation du capital » (MINEP 2005).

Ce volontarisme politique donnera rapidement des résultats probants mais montrera également des limites. Leur nombre passera de 800 coopératives et 20 000 associés en 1998 à 260 000 coopératives et à un million et demi d’associé-e-s en 2008. Dans leur grande majorité, les coopératives seront des petites unités et une partie d’entre-elles périclitera rapidement. Des dérives de gestion seront également observées et des entreprises capitalistes profiteront du cadre légal pour se constituer en coopératives. Sunacoop, l’organisme chargé de superviser les coopératives, devra s’employer à assainir le secteur. Le développement magistral va s’accompagner d’une grande dépendance vis-à-vis des marchés de l’État et des communes. La cohabitation avec le mouvement coopératif traditionnel, plus autonome, s’avèrera compliqué 2. A partir de 2007, fort de ces constats, le développement des coopératives cessera d’être une priorité pour le gouvernement.

« Politiques publiques et coopérativisme vénézuélien »

Une étude universitaire réalisée par Héctor Lucena et Dioni Alvarado publiée en 2013 analyse la complexité du développement coopératif engagé dans le cadre du processus politique bolivarien au cours de la période 1999-2013, elle questionne notamment les répercussions des politiques publiques et leurs incidences pour l’autonomie du mouvement coopératif (...) .

Fin 2008, 260 000 coopératives avaient été enregistrées alors qu’elles n’étaient qu’à peine un millier en l’an 2000. La majeure partie de ce développement est liée à l’action gouvernementale mais ce boom a ouvert l’appétit d’entreprises privées qui souhaitaient avoir accès aux avantages, au crédit et aux contrats avec les entités publiques. Dans certains cas, les employeurs ont contraint leurs travailleurs à s’organiser en coopératives pour travailler en sous-traitance.

Pour Nelson Freitez, le développement étatique du coopérativisme répond plus à « une politique d’assistance qu’à un développement économique », ce qui s’est traduit par un meilleur développement dans le secteur associatif que dans la production 4. Si jusqu’en 1997, les coopératives étaient principalement présentes dans l’épargne et le crédit, les services aux personnes, l’agriculture et le transport, par la suite il y a eu une prédominance des services aux personnes et aux entreprises.

Le secteur coopératif traditionnel -qui rappelons-le avait participé activement à la rédaction des principes dans le cadre de l’Assemblée constituante en 1999- émit des réserves et exprima un certain scepticisme vis-à-vis du développement coopératif impulsé par l’Etat lors de la publication du décret-loi de 2001 car celui-ci dérogeait aux principes même de ce mouvement. Rapidement, il put constater que ces craintes étaient fondées car beaucoup d’organisations à peine créées disparurent. Lors du recensement de 2006, à peine 25% des 155 000 enregistrées remplissaient les conditions requises comme la capacité à montrer les cahiers de délibérations collectives et la nomination des associé-e-s.

Durant les quinze années écoulées, l’Etat a donc été le principal protagoniste pour impulser la création de coopératives au Venezuela (...)

Les auteurs concluent qu’après plus d’une décennie de développement des coopératives, il faut souligner qu’il y a aujourd’hui quarante fois plus de coopératives qu’au début du processus, et que beaucoup d’entre-elles ont permis à des familles et à des travailleurs exerçant des activités informelles de se doter d’un statut juridique par l’appui des politiques publiques. La quasi-totalité du mouvement coopératif traditionnel se maintient en marge des ressources de l’Etat, même si certaines expériences qui y ont eu recours, ont menacé l’autonomie du mouvement coopératif.

Et pour ne pas conclure…

L’expérience vénézuélienne est intéressante à plus d’un titre et mérite d’être analysée plus amplement à notre niveau pour tenter d’en tirer des enseignements. Elle confirme que le développement important des coopératives, même à une échelle de masse, ne suffit pas pour engager une transition post-capitalisme. (...)