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Immigration : les politiques pris par l’ivresse des sondages
#immigration #journalisme
Article mis en ligne le 12 septembre 2023
dernière modification le 11 septembre 2023

Le débat médiatique et politique prend pour acquise la xénophobie des Français, alors que celle-ci est en recul constant. Cet état de fait devrait inciter le personnel politique à se détacher des sondages d’opinion et à s’intéresser aux autres motifs du vote d’extrême droite. Le point de vue de Louis Maurin, extrait d’une tribune parue dans le journal Le Monde.

En France, 45 % de la population estime qu’« il y a trop d’immigrés », selon une enquête Kantar (ex-Sofres) de décembre 2022. L’affaire semble entendue : l’« opinion » rejette les immigrés. Ce chiffre, médiatisé à outrance, est un élément d’explication de la xénophobie ambiante d’une partie du personnel politique, notamment l’alignement du discours du parti Les Républicains sur celui du Rassemblement national. C’est aussi en partie pour cela que le gouvernement propose une énième loi sur l’immigration.

L’unanimisme sur ce sujet mérite quelques nuances. Ce pourcentage global rassemble le camp des « tout à fait d’accord » et celui des « plutôt d’accord ». Dans le sondage Kantar, les premiers représentent 20 % de la population, les seconds 25 %. Parmi ces derniers, une bonne partie suit le sens du débat médiatique et pense peut-être : « Après tout, puisqu’on nous le dit, c’est sans doute vrai… », ou estime que, dans certains quartiers, la ségrégation est trop grande. Résumer l’« opinion » à une seule question a peu de sens. Ainsi, en même temps, plus de 60 % des Français trouvent que « l’immigration est une source d’enrichissement culturel », selon les enquêtes de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). (...)

De plus, les commentateurs des sondages ne soulignent jamais que le pourcentage de ceux qui estiment qu’il y a « trop » d’immigrés est en forte baisse depuis plusieurs années. (...)

Boucs émissaires

Les sondages ne valent que pour ce qu’ils sont : un clic sur Internet au milieu de dizaines de questions sans rapport les unes avec les autres. Une réponse à une question qu’on ne se posait pas forcément, du moins pas en ces termes. (...)

Sortir de l’ivresse des sondages

Le vote pour l’extrême droite exprime surtout le rejet de forces politiques qui ne parlent plus aux classes populaires. Dont les mots et les programmes, forgés par notre élite scolaire, sont inintelligibles et inadaptés à leurs besoins, à droite comme à gauche. Dans le secret de l’isoloir, l’électeur inquiet sacrifie l’immigré sur l’autel du coup de gueule et de l’appel à l’aide sans réponse depuis des années.

Suivre ce raisonnement n’empêche en rien de débattre des difficultés posées par la concentration d’immigrés dans certaines cités, par l’expression du radicalisme religieux, quel qu’il soit, et des solutions concrètes à mettre en œuvre. Les premières victimes en sont souvent les immigrés eux-mêmes. Ce même raisonnement devrait surtout conduire la classe politique à une cure de désintoxication aux sondages afin de sortir de l’ivresse dans laquelle elle se trouve. Elle doit quitter au plus vite cette bulle de communication qui la tue à petit feu et qui menace nos valeurs démocratiques. (...)