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le Monde
Immigration, la nouvelle donne
Par El Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine,
Article mis en ligne le 18 mai 2012
dernière modification le 15 mai 2012

Au cours de cette campagne présidentielle, le débat sur l’immigration n’a pas reposé sur un véritable diagnostic. Pire, les éléments fournis souffrent de graves inexactitudes, et les propositions qui en découlent ne peuvent que s’avérer inadaptées. L’idée d’une nécessité de réduire les flux a été acceptée sans véritable diagnostic. Regarder les choses de manière rationnelle permettrait de dessiner les lignes d’une politique économique de l’immigration et des migrations efficace et débarrassée de l’instrumentalisation politique.

Contrairement au matraquage sur le sujet, la France n’est plus un grand pays d’accueil.

(...) En termes de population résidente, selon la définition de l’Insee de la population immigrée (incluant les naturalisés), la France se place également très largement en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE.

La politique française restrictive sur l’immigration de travail ne permet pas de répondre aux besoins de l’économie française.
(...)

Le fait que l’économie française ait besoin de l’immigration pour répondre à des problèmes de difficultés de recrutement dans certains secteurs et certaines régions n’est pas contradictoire avec l’existence d’un taux de chômage important. (...)

Inefficacité et inéquité sont les deux caractéristiques de la politique française d’immigration de ces dernières années.
(...)

Réformer totalement la politique française d’immigration, qui combine aujourd’hui de manière perverse politique sélective à des fins d’emploi et politique de stigmatisation devrait être une priorité. (...)

Contrairement au piège dans lequel le débat public a été enfermé, le problème de l’efficacité des politiques d’immigration n’est pas entre fermeture ou ouverture. (...)

Il est nécessaire d’appliquer les droits, de renforcer la lutte contre les discriminations et d’adopter le droit de vote des migrants non européens aux élections locales, une promesse réitérée par le nouveau président. (...)

Par ailleurs, une nouvelle loi de régularisation sur des critères lisibles pour tous, transparents et non discrétionnaires, donnant droit à un recours auprès d’une instance indépendante, est une nécessité pour des raisons d’efficacité économique et d’équité. Il faut aussi lutter contre les trafics de main-d’oeuvre en pénalisant les donneurs d’ordres dans les chaînes de sous-traitance en cascade dans les secteurs comme le BTP, le textile ou la restauration.
(...)

En second lieu, il faut désinstrumentaliser les migrations de travail (...)

En troisième lieu, une politique d’immigration efficace est une politique qui favorise la mobilité des migrants en garantissant la transférabilité et la continuité des droits. (...)

Il faut ensuite repenser complètement la coopération de l’Union européenne, et de la France en particulier, avec les pays du Sud, et tout particulièrement du sud de la Méditerranée. (...)

Il faut également éliminer ou réduire fortement les prélèvements sur les transferts des migrants, qui représentent aujourd’hui la première source d’entrée de devises dans les pays en développement. (...)

Il est enfin possible de penser une politique de partage plus équitable des bénéfices de la mobilité internationale des qualifiés, qui font parfois cruellement défaut à l’économie de leur pays d’origine, qui a souvent contribué à financer la formation. (...)

Le nouveau président sera confronté à son bilan en matière d’immigration. S’il est juste et efficace, il pourra le mettre à son actif et s’enorgueillir d’avoir contribué à faire porter sur l’immigration un nouveau regard. Inversement, si cette question reste maltraitée, sous-estimée, voire abandonnée à ses pourfendeurs, elle risque de ternir l’image du changement démocratique que des millions de français ont appelé de leurs voeux le 6 mai.

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