Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
« Il faut renoncer à la croissance économique », la nouvelle doctrine d’Attac
Article mis en ligne le 25 août 2014
dernière modification le 20 août 2014

Attac a quinze ans. Mouvement au coeur de l’altermondialisme, son histoire en reflète les échecs et les succès. Son porte-parole, Thomas Coutrot, raconte comment l’écologie est entrée dans le logiciel du mouvement, et évoque l’explosion du système du fait du blocage du capitalisme.

(...) homas Coutrot - Attac est né en même temps que le mouvement altermondialiste, dont la première grande date marquante a été 1999, avec le sommet de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) à Seattle : de grandes manifestations s’y sont déroulées, manifestant l’émergence du mouvement.

C’est le moment où l’on commence, à la suite des crises financières en Asie et en Amérique Latine dans les années 1990, à s’apercevoir des pouvoirs exorbitants dont dispose l’industrie financière et des ravages qu’elle fait subir aux sociétés. Donc, le mouvement inter mondialiste se développe contre le libre échange, contre l’OMC, contre l‘AMI (Accord multilatéral sur l’investissement).

Et puis, l’idée a été avancée par Ignacio Ramonet, du Monde diplomatique, d’appliquer la taxe Tobin, une taxe sur les mouvements de capitaux : cette idée a fédéré plein d’acteurs associatifs ou intellectuels qui se rendaient compte qui fallait faire cause commune, parce que les combats des différentes causes - syndicale, écologique, féministe, des droits de l’homme, de solidarité internationale -, ces combats séparés se heurtaient à un adversaire extrêmement puissant. Isolé, aucun ne pouvait plus obtenir d’avancée.

Attac en France est rapidement devenue une association de masse. En 2002, elle y comptait trente mille adhérents et plusieurs dizaines de comités locaux, avec un essaimage dans des pays européens, africains, latino-américains et même asiatiques. Le Forum social mondial a été créé en 2001 à Porto Alegre, au Brésil, et Attac y a joué un rôle important. (...)

quand sont arrivées les thèses de la décroissance, beaucoup de militants y ont vu le danger de l’apologie de l’austérité, la négation du fait que les besoins humains non satisfaits existent à profusion, notamment au Sud.

Ces crispations étaient encouragées par le fait que, du côté du discours de la décroissance - Paul Ariès le dit très bien aujourd’hui -, il y a eu une alliance ambiguë entre des courants progressistes et des courants plus douteux sur le plan idéologique. Ce fait qu’il y avait des réactionnaires du côté de la décroissance était monté en épingle par les opposants à ces thèses de façon convaincante.

Ces incompréhensions se sont largement dissipées après 2006. Mais cela n’est pas seulement lié à la crise d’Attac, où le courant le plus étatiste et archaïque s’est marginalisé, c’est aussi lié à l’évolution du mouvement de la décroissance lui-même : il a clarifié son idéologie. (...)

Il reste aujourd’hui dans Attac une forte réticence à utiliser le terme de décroissance qui est perçu comme aussi vide de sens que le mot de croissance. La décroissance n’est pas perçue comme un terme permettant de figurer une alternative. Le mot lui même n’est pas repris par Attac - à juste titre selon moi. (...)

On ne peut pas découpler la croissance du PIB (produit intérieur brut) et l’émission de CO2. Le découplage absolu est une impossibilité et il faut en tirer les conséquences. Intellectuellement, c’est l’argument décisif. On ne peut pas découpler la croissance économique de la progression des émissions de gaz à effet de serre, donc il faut y renoncer. (...)

Comment définirais-tu le projet économique d’Attac ?

C’est un projet de démocratie économique. Même une économie stationnaire connaîtra du changement. L’histoire de l’humanité ne sera pas figée une fois pour toutes. Il y aura du développement de certaines productions et des abandons d’autres.

Donc la trajectoire de développement doit résulter de la délibération démocratique articulée à tous les niveaux. C’est ce que certains appellent la planification participative avec l’idée qu’il y aura toujours une économie marchande.

Le marché est un outil économique beaucoup plus ancien que le capitalisme et lui survivra. Mais les forces du marché ne doivent pas déterminer les trajectoires du développement économique des sociétés. Ceci doit être fait par les délibérations démocratiques articulées au niveau local, régional et international. (...)

out indique qu’Il n’y a pas d’auto réforme possible du système économique. Ils iront jusqu’au bout de leur logique, et cette logique aboutira inévitablement à des catastrophes économiques et écologiques. Toute la question est qu’au moment de ces catastrophes, il y ait déjà suffisamment de répertoires d’alternatives diffusées, connues des gens et qui serviront de repères, afin d’offrir des solutions de court terme aux gens qui se retrouveront sans boulot, sans argent, sans nourriture. Est ce que cela sera suffisamment diffusé pour que cela représente des alternatives crédibles ou va-t-on directement vers la guerre civile et les massacres de masse ? Voilà la perspective !

Notre boulot est de construire cet imaginaire alternatif à partir des pratiques sociales, de faire en sorte que cela apparaisse comme crédible aux yeux d’un maximum de gens et, que le moment venu, ce soit une alternative visible, une vraie possibilité que qu’elle se généralise et devienne un nouveau modèle de société.