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article XI
« Il est désormais possible de relocaliser le monde »
Benjamin Bayart
Article mis en ligne le 3 août 2011
dernière modification le 30 juillet 2011

La neutralité du réseau - soit la garantie que tous les flux seront traités à égalité sur le Net - est peu à peu, et sans doute parce qu’elle est de plus en plus menacée [1], devenue une question politique et médiatique. Il n’y a plus grand monde pour ne pas savoir ce dont il s’agit, et chacun a compris l’absolue nécessité de la préserver.

En fait, il ne s’agit pas de comprendre le réseau, mais la société qui vient. Et parmi ces fondamentaux, il y a d’abord la nécessité de comprendre la modification du tissus social. C’est assez facile à expliquer. Posons qu’une société se définit par les interactions entre les gens : le média structure la société. Il n’y a là rien de neuf. C’est-à-dire qu’il y a eu la société de l’écriture manuscrite, puis la société que l’imprimerie a formé – qui est l’un des facteur-clés dans le passage du Moyen-Âge à la Renaissance. Il y a ensuite la société que la télévision a formé, qui est encore différente. Et enfin, il y a Internet, qui change beaucoup plus profondément les choses que la télévision.
Ces évolutions techniques portent des modèles profonds. L’imprimerie, c’est un éditeur qui juge que l’écrit est suffisamment important pour être publié et qui le diffuse vers des lecteurs n’ayant pas eu leur mot à dire dans cette décision. C’est un monde vertical. Alors qu’avec Internet, tout le monde publie, et lit qui veut bien lire. Le modèle – je parle bien du réseau, pas de services à la Google ou Facebook – est ainsi totalement horizontal.

Premier point, donc : le changement de structure de la société. Dans le monde de l’écrit, vous êtes en contact avec quelques dizaines de personnes – tout au plus. Dans le monde d’Internet, le plus crétin des ados boutonneux a deux cents amis sur sa page Facebook. Le changement de structure est intéressant. Mes parents ou mes grands-parents ne correspondaient pas par écrit avec une cinquantaine personnes. Correspondaient-ils plus profondément, plus véritablement ? Peut-être... Mais ce n’est pas la question.

Deuxième point : comprendre les enjeux de la question de la propriété intellectuelle. Toute cette société dont on parle est la société du savoir. Les savoirs sont les seules choses y existant réellement ; dans cette société-là, le monde lui-même est une construction intellectuelle. Par conséquent, la notion de propriété intellectuelle est à revoir totalement. Relisez les textes de Louis Blanc sur la question de ce qui était à l’époque appelé propriété littéraire. Il posait parfaitement le problème : comment voulez-vous être propriétaire d’une idée ? Soit vous la gardez dans le fond de votre tête, vous ne l’énoncez jamais et – simplement – elle n’existe pas. Soit vous l’énoncez, et sitôt qu’elle est entendue, elle se répand ; comment voulez-vous la retenir, l’attraper ?(...) Wikio