
L’improvisation, est-ce un art inné, ou quelque chose qui s’apprend ? Avant de s’envoler pour Los Angeles, et de partir en tournée avec son album "Capacity to love", le trompettiste de jazz fait escale dans la caverne de Platon pour répondre à cette question : peut-on maîtriser l’immaîtrise ?
Avec
Ibrahim Maalouf Trompettiste, musicien, compositeur, arrangeur, producteur, professeur de trompette et d’improvisation
L’histoire de l’improvisation, par Charles Pépin
L’histoire de l’improvisation est plutôt l’histoire d’un jeune garçon et de son professeur. Le jeune garçon est un prodige, un virtuose, ses doigts qui courent sur le clavier savent très bien ce qu’ils font, il maîtrise. Mais son professeur voudrait maintenant qu’il improvise, qu’il se laisse un peu aller, qu’il apprenne à s’écouter et pas simplement à écouter ses professeurs, à faire confiance à l’instant et pas simplement à la technique. Il voudrait que sa maîtrise le conduise… à un peu d’immaîtrise. Mais rien n’y fait, le jeune pianiste résiste. Il est enfant de L’Occident, tombé tout petit dans la marmite de l’anticipation, de la prévision, de la performance. L’improvisation, c’est un truc d’amateur, non ? Une excuse de mec pas sérieux… Lui ne joue ses morceaux en public que lorsqu’il est parfaitement prêt. Et voila que son professeur lui dit d’y aller sans être prêt, d’accueillir l’imprévu, d’être simplement présent, ouvert et accueillant. Franchement, ça ne le fait pas. Même quand son professeur lui répète que les plus grands musiciens classiques furent tous des improvisateurs hors pair, il n’y croit pas. Improviser, pour lui, pour un jeune perfectionniste comme lui, c’est sauter dans le vide et il est juste musicien, pas sportif de l’extrême (...)
La fausse note n’existe pas. Tu as peur de te tromper, de faire une fausse note. Mais il n’y a de fausse note que si tu t’arrêtes dessus. Si tu continues à jouer, si tu continues à improviser autour de ton thème, n’importe quelle « fausse note » peut devenir belle ; elle peut même devenir ce moment où le morceau décolle. (...)
Pour parler des vertus de l’improvisation et de cette confiance en soi, en la musique et en la vie, nous recevons Ibrahim Maalouf, trompettiste et compositeur de musiques de film que le monde entier s’arrache, mais auteur également d’un essai passionnant paru aux éditions des Equateurs, Petite philosophie de l’improvisation. Il nous a rejoint dans la caverne de France Inter, sous le soleil de Platon, pour nous aider à réfléchir à cette belle question : peut-on apprendre à improviser ? (...)
L’improvisation comme philosophie de vie (...)
Il faut sortir des codes, il ne faut pas forcément faire du solfège pour pouvoir s’amuser ensuite. L’improvisation, c’est une discipline qui pourrait s’appliquer à notre société, car une grande partie des choses qui ne fonctionnent pas dans notre société et nos interactions sont liés à la rigidité. »