Tout d’abord, félicitations : vous avez survécu à la journée de Lafâme. Normalement, vous n’avez qu’une envie : passer à autre chose. Dommage, car il nous faut revenir au 8 mars 2009, la journée de Lafâme d’il y a trois ans. À cette occasion, vous aviez pu lire sur ce site un article consacré à l’expression "IVG de confort", expression qui était alors passée complètement inaperçue ou presque. Elle était pourtant inscrite clairement dans le titre d’un article du journal Le Figaro, en date du 25 février 2009 : "De plus en plus d’avortements de confort". Le Dr Grégoire Moutel, responsable du laboratoire d’éthique médicale de l’université Paris-Descartes, interrogé dans cet article, qui n’est plus accessible gratuitement sur le site du Figaro, s’offusque à présent de la récupération de ses propos par le FN : « J’ai été manipulé ! Je suis offusqué qu’un parti politique puisse utiliser partiellement des études scientifiques ». Ses propos étaient pourtant clairs, lorsqu’il s’est exprimé il y a trois ans dans les colonnes du Figaro
(...) On pourrait se dire que cette levée de boucliers est très positive. Mais que signifie-t-elle ? On pourrait croire que ceux qui s’insurgent contre cette expression veulent à tous prix éviter que l’IVG soit, à la manière des médicaments dits de "confort", déremboursée. Mais hélas, il semblerait que ce qui les choque surtout, c’est qu’on accole le terme "confort" à celui d’IVG... car, disent-ils, l’IVG n’a rien de "confortable". En somme, ce qui les retourne littéralement, c’est qu’on puisse présenter l’IVG autrement que comme un drame pour toute femme.
(...) Si l’on parle de l’avortement en disant que c’est un acte forcément SUBI ("elle a subi un avortement") ; si l’on répète, sur les bancs de l’Assemblée Nationale comme dans les médias, qu’il faut éviter les avortements, au lieu de dire qu’il faut éviter les grossesses non désirées ; si l’on reste obsédé par le nombre d’avortements, comme s’il s’agissait d’un véritable fléau à combattre ; si l’on ne présente l’avortement que comme un échec ; si l’on colporte le fantasme selon lequel des femmes utiliseraient l’avortement comme un moyen de contraception.... comment s’étonner alors que ce droit ne soit pas vu comme un droit positif et fondamental, mais bien comme un geste néfaste qui est à combattre ? Car tous ces discours présentant l’avortement comme un acte néfaste à éviter absolument sont tenus par des gens censés le défendre, par des gens de gauche et non par des groupes extrémistes anti-IVG.
Tous ces gens qui s’insurgent actuellement contre cette expression, sont les premiers à nous être tombés dessus lorsque nous avons crée il y a bientôt un an le site "IVG, je vais bien, merci !", au motif que parler des femmes qui vont bien après leur IVG banalisait l’avortement. (voir à ce titre l’article "Décomplexées !") (...)
Comment peut-on s’étonner qu’à force de fragiliser ce droit, en le présentant comme un acte à la limite de la déviance, on finisse par en faire... un droit fragile ?
Si les personnes qui se sont insurgées contre cette expression veulent réellement lutter pour le droit à l’avortement, ce sont leurs propres représentations de l’avortement qu’ils doivent interroger.
(...)
Dès lors que l’on laisse à autrui le droit de juger si une interruption volontaire de grossesse est légitime ou pas en se substituant au seul jugement des femmes, à ce qu’elles estiment, elles, relever de leur choix propre, n’est-on pas en train de préparer le terrain à des propos présentant l’IVG comme un acte "de confort" ?