
La Cimade vient de mener une mission d’enquête en Hongrie avec le réseau euro-africain Migreurop pour notamment rencontrer des associations de la société civile défendant les droits des personnes migrantes et réfugiées. Retour sur le contexte hongrois et les évolutions législatives récentes qui font de ce pays l’illustration la plus inquiétante de la construction d’une « forteresse Europe » hostile aux personnes migrantes.
Les images de l’été 2015 de milliers de personnes en exil traversant chaque jour la frontière séparant la Serbie et la Hongrie afin de trouver refuge dans les pays d’Europe, ont marqué les esprits. Depuis, le gouvernement au pouvoir du populiste Viktor Orban, mène une politique anti-immigration sur fond de discours sur les bienfaits de « l’homogénéité ethnique » de la nation hongroise.
Dès septembre 2015, des grillages sont érigés aux frontières avec la Serbie et la Croatie tandis que des « zones de transit » sont mises en place afin que les demandes d’asile soient étudiées très rapidement et déterminer si les personnes sont admissibles ou si elles doivent être renvoyées directement de l’autre côté de la frontière, c’est à dire en Serbie donc hors de l’Union Européenne.
Une récente décision de la Cour européenne des Droits de l’Homme (arrêt du 14 mars 2017 – ILIAS et AHMED c. HONGRIE) condamne la Hongrie pour les conditions de détention de deux demandeurs d’asile en 2015 et leur renvoi expéditif vers la Serbie, que la Cour de Strasbourg refuse de considérer comme « pays tiers sûr ». Pourtant, ce rappel à l’ordre du respect de la Convention européenne des droits de l’Homme n’a pas empêché le Parlement hongrois d’adopter à une très large majorité, une nouvelle loi permettant la détention automatique et illimitée de tous les demandeurs d’asile dans les zones de transit et d’étendre les possibilités de leur renvoi vers la Serbie, où qu’ils se trouvent sur le territoire hongrois.
Dans ces zones de transit, seules 5 personnes par jour peuvent entrer pour y déposer une demande d’asile, sans qu’elles puissent savoir combien de temps elles seront enfermées dans le camp de containers situé à quelques mètres de la frontière et si elles seront renvoyées vers la Serbie. L’accès à un avocat indépendant est entravé et seules des organisations caritatives financées par l’Etat hongrois peuvent entrer dans les zones de transit. La Hongrie n’a octroyé une protection internationale qu’à 430 personnes en 2016. Les Syriens n’ont un taux de reconnaissance que de 9,3% alors qu’il s’élève à 99,9% en Allemagne et 97% en France. (...)
Après les personnes migrantes et la presse libre, le gouvernement de Viktor Orban a pris pour cible les associations qu’il considère comme gênantes en proposant une loi sur le modèle russe à propos des financements venant de l’étranger. Ce texte vise notamment la très internationale Université d’Europe Centrale de Budapest, fondée en partie par le milliardaire américain d’origine hongroise Georges Soros. Face à cette nouvelle attaque, des manifestations ont eu lieu ces dernières semaines rassemblant des milliers de personnes dans les rues de Budapest pour dénoncer les dispositions législatives prises pour restreindre les libertés civiques, d’expression et d’opinion.
Enfin, les associations de défense des droits des migrants et réfugiés, même si elles ont des difficultés pour se faire entendre face au discours xénophobe, continuent de documenter et dénoncer les conséquences de ces politiques migratoires. Une manifestation transnationale doit ainsi avoir lieu entre la Serbie et la Hongrie pour dénoncer le blocage total des exilés aux portes de l’Europe.