
L’ambiance athénienne est déjà plus détendue, apaisée même. Le voisin Chrístos enfin souriant n’a des yeux que pour... le soleil réapparu, pourtant sous la pluie. “Le sombre voile disparaît, nous nous voyons déjà autrement, Samarás et sa bande d’escrocs et de traîtres ne sont plus aux affaires, un mauvais sort, une malédiction se dégagent enfin d’un coup. Notre dignité revient”. Même ambiance dans les transports en commun, dans la rue et dans les cafés. La peur s’évapore, et l’inconnu... flottant alors domine.
Chrístos qui n’a plus de travail tout comme son épouse, continuera à s’approvisionner auprès de l’épicerie solidaire mise en place par la municipalité du coin et il pratiquera avec autant de ferveur et de succès... la pêche à la ligne, puisque sa mère habite dans une localité du littoral proche. La réalité grecque n’a rien perdu de ses saignées sociales et démocratiques depuis le 25 janvier ; cependant la symbolique a déjà changé de registre.
Le temps des résultats électoraux est déjà derrière nous. Le nouveau gouvernement est sur le point d’être formé, de fait, le nouveau paradigme grec devient obligatoirement et déjà européen. Car la catastrophe sciemment organisée de la société grecque par un certain ordre des affaires et du monde, est toute proportion gardée celle que connaissent d’autres sociétés, et cela au-delà même du sud de l’Union européenne, Allemagne comprise.
Étrange magnétisme, pur ne pas dire opportunisme dans l’être, puis dans le paraître. Des anonymes comme des éponymes se découvrent et se réveillent alors brusquement du côté gauche de l’oreiller existentiel, “à les écouter depuis lundi matin, on aurait cru voir SYRIZA à plus de 90% des suffrages exprimés. Nous devrions inventer un... gauchomètre par les temps qui courent...”, ironise au micro de la radio 105,5 mardi 27 janvier, Stamátis Kraounákis, compositeur, chanteur et artiste connu de tous en Grèce.
On devrait même utiliser ce... gauchomètre quant à un certain monde journalistique, à l’instar d’une partie des rédactions parisiennes, lesquelles découvrent tout autant brusquement et antre autres, les vertus d’un audit de la dette grecque : “Dans l’immédiat, SYRIZA peut lancer un audit de la dette grecque. C’est d’ailleurs prévu dans un règlement adopté par l’Union européenne en mai 2013 : ‘Un État membre faisant l’objet d’un programme d’ajustement macroéconomique réalise un audit complet de ses finances publiques afin, notamment, d’évaluer les raisons qui ont entraîné l’accumulation de niveaux d’endettement excessifs ainsi que de déceler toute éventuelle irrégularité.’ Mais le gouvernement d’Antonis Samaras, le conservateur au pouvoir jusqu’à dimanche, s’était bien gardé de le faire.”
“Il s’agit même d’un passage obligé, estiment plusieurs économistes, dont le Belge Éric Toussaint. Après avoir accompagné l’Équateur dans l’audit de sa dette en 2007 et 2008, ce membre du conseil scientifique d’Attac Belgique a conseillé SYRIZA ces derniers mois. ‘Un audit montrera que les banques privées européennes ont très fortement augmenté leurs crédits à la Grèce entre fin 2005 et 2009, sans tenir compte de la capacité réelle de la Grèce à rembourser’, écrivait-il ainsi la semaine dernière, dans une tribune publiée sur Lemonde.fr. Selon une étude d’Attac publiée en juin 2013, 77 % des fonds débloqués dans les derniers ‘plans de sauvetage’ de la Grèce sont en réalité retournés vers le secteur financier... en remboursement de la dette”, journal “Libération” du 27 janvier.
Ces journalistes, depuis si bien longtemps acquis au néolibéralisme outrancier, ignorent apparemment les faits. Éric Toussaint membre du conseil scientifique d’Attac Belgique était déjà présent à Athènes en mai 2011, lors d’une réunion publique quasi initiatrice d’un comité d’audit international de la dette grecque, réunion à laquelle j’avais participé, comme dans la plupart des événements de notre funeste crise depuis le terrain ; ce que les lecteurs de greekcrsis savent déjà.
Alors à l’époque, de nombreux cadres, membres et universitaires SYRIZA (et pas seulement) y étaient présents, et la mission de ce comité avait été depuis entravée par tous les gouvernements “grecs” depuis. Donc, cette heureuse et fructueuse implication dans les affaires à éclairer de la dette grecque quant à Éric Toussaint ne date pas d’hier matin. (...)
Donc nous livrerons cette bataille finalement européenne (des peuples de l’Europe), renforcés par un consensus national, si possible large, ce que chagrine effectivement la Nouvelle démocratie de Samarás. Le domino européen est en cours, ainsi que notre nouvelle ère. Espérons-le en tout cas.
Alexis Tsípras a rendu visite au chef de l’Église grecque pour l’informer de sa volonté de rompre avec la tradition et avec l’hypocrisie. Il a porté un serment politique strict, tout en acceptant la bénédiction du chef de l’Église en privé, étant donné qu’Alexis Tsípras se déclare athée.
Plus important encore, le premier déplacement d’Alexis Tsípras en tant que Premier ministre. Il a rendu hommage aux 200 patriotes et communistes fusillés en mai 1944 par les forces de l’Occupation allemande à Kaisarianí, près d’Athènes. Le message est clair, et cela autant, vis à vis de l’Allemagne. (...)
La vie normale reprend à Athènes... sans les apocalypses annoncées par les vidéos de propagande électorale de la Nouvelle démocratie. Le gouvernement est en place (mardi 27 janvier). Le plus difficile reste à faire et l’espoir domine.