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Regards
Grèce : c’était un temps déraisonnable
Article mis en ligne le 17 juin 2015

Le 20 juin auront lieu en France et en Europe des manifestations et des réunions d’assemblées citoyennes en solidarité avec le peuple grec. La participation la plus massive possible est vivement espérée. L’issue d’une partie cruciale est en train de se nouer.

Dimanche 14 juin, la reprise de la "négociation" entre les représentants du gouvernement grec et ses créanciers a duré quarante-cinq minutes. Le gouvernement grec avait répondu à la demande de nouvelles propositions formulée par les créanciers, notamment l’acceptation de l’objectif d’excédent primaire de 1% du PIB pour cette année. Ceux-ci ont remis sur la table quasiment à l’identique, les demandes qu’ils formulent depuis dix mois, d’abord au gouvernement Samaras puis, depuis février, au gouvernement grec élu pour sortir d’une austérité catastrophique. À accepter en bloc. Les demandes des créanciers sont « irrationnelles. Nous attendons patiemment qu’ils accèdent au réalisme », a dit lundi Alexis Tsipras. (...)

« Un vrai sentiment de 1914 »

L’affirmation d‘Alexis Tsipras est grave. Il n’y a pas, en effet, de négociation possible en dehors de la confrontation de points de vue rationnels représentants des points de vue et des intérêts divergents, mais recherchant un compromis raisonnable et viable et construisant une communauté d’intérêt. À agir de façon irrationnelle ou, pour le dire autrement, de manière arbitraire selon la raison du plus fort, les créanciers nous mènent à la catastrophe. « Les créanciers de la Grèce ont transformé les négociations en guerre », a résumé Yanis Varoufakis dans une interview donnée le 9 juin au journal allemand Tagesspiegel (à lire in extenso).

Comme le dit à raison Paul Krugman, « il y a un vrai sentiment de 1914 dans ce qui se passe maintenant, l’idée de fierté, d’agacement et de vrais mauvais calculs sont en train de faire tomber l’Europe de la falaise... Certains des acteurs principaux semblent bizarrement fatalistes, prêts et même impatients d’arriver à la catastrophe – une sorte de version moderne de "l’esprit de 1914" dans lequel un grand nombre de gens étaient enthousiastes à l’idée d’entrer en guerre. (...)

Dette insoutenable

Depuis le début, la vraie question est en fait celle de la dette que les politiques de la Troïka, servilement appliquées par les gouvernements grecs, ont rendue encore plus insoutenable qu’en 2009. La Grèce n’a pas payé l’échéance de 300 millions au FMI le 5 juin. Elle a pu bloquer le paiement de toutes les échéances de ce mois au 30 juin soit 1,3 milliards d’euros. Les 7,2 milliards d’aide qui sont la contrepartie de la négociation en cours repartiront pour l’essentiel immédiatement en paiement des échéances et ne serviront en rien à relancer l’économie grecque. D’ici 2020, la Grèce devra rembourser 35 milliards d’euros, soit plus de 18% du PIB actuel. C’est pour cela que les créanciers cherchent à lui imposer un excédent budgétaire primaire équivalent, à coups de "réformes structurelles" socialement, économiquement et politiquement ravageuses et donc totalement irrationnelles.

Le FMI admet que cette dette est insoutenable et qu’une restructuration devra intervenir. Le gouvernement grec a mis un plan de restructuration sur la table. L’Union européenne, Allemagne en tête, ne veut pas entendre parler de restructuration. Moyennant quoi... le FMI refuse tout compromis sur l’excédent budgétaire grecs et sur les "réformes" qui l’accompagnent et qui rendront la dette grecque en réalité encore plus insoutenable. À moins que, faute d’accord, la Grèce ne fasse défaut dès juillet et qu’elle ne soit entraînée, par le jeu des réactions en chaine, à une sortie de l’euro et à un défaut généralisé sur toute sa dette – y compris les 160 milliards dus à l’Allemagne et à la France. Bienvenue en Ubuland ! (...)

Les négociations sont donc dans l’impasse. « Soit le gouvernement grec va trop concéder, perdre son soutien populaire et s’effondrer, note James Galbraith. Et, dans ce cas, juge-t-il, que le résultat final soit une nouvelle mise sous administration judiciaire du pays ou Aube Dorée, la démocratie est morte en Europe. Soit, à la fin des fins, les Grecs seront obligés de prendre – avec un coût et des risques énormes - leur destin en mains, et d’espérer de l’aide d’où qu’elle vienne. »

François hollande a, en début de semaine, enjoint à Alexis Tsipras de reprendre « le plus vite possible la négociation » avec ses créanciers. C’est tout ? C’est tout ! Face à un enjeu historique, le président de la République française, qui pourrait tant peser sur le cours de l’Europe, continue de se cacher derrière les institutions européennes et derrière les positions allemandes dont il ne se démarque nullement. (...)