
La raréfaction des grands animaux depuis la fin de l’ère glaciaire, et surtout depuis l’agriculture et la pêche commerciale, aurait considérablement réduit l’apport de nutriments à la surface des océans et sur les terres émergées. C’est la conclusion de chercheurs qui ont quantifié ce transport de fertilisants par les excréments et les cadavres, un moyen de transport jusque-là négligé. La baleine, le saumon et le goéland seraient des assistants trop ignorés de nos cultures…
(...) Longtemps, cette contribution animale a été considérée comme négligeable devant les échanges dus à l’érosion des continents (qui fait couler du phosphore dans les océans, notamment) et à l’action des plantes. Elle serait bien plus importante d’après l’étude menée par Joe Roman, spécialiste des baleines de l’université de Vermont (États-Unis), et ses collègues. Surtout, elle aurait considérablement diminué avec la disparition de la « mégafaune », l’ensemble mal défini d’animaux de grandes tailles qui ont peuplé les terres et les mers mais qui ont disparu. (...)
Quantitativement, les résultats de leurs calculs, publié dans les Pnas, est étonnant. Par rapport à il y a environ 12.000 ans, les valeurs actuelles sont descendues à :
- 8 % pour le transport de nutriments au sein des terres par les animaux ;
- 5 % pour le transport au sein des océans ;
- 23 % pour le transport du phosphore vers la surface de l’océan par les mammifères marins. Les auteurs indiquent un transfert de 340.000 tonnes par an avant les extinctions et 75.000 aujourd’hui. « 350.000 baleines bleues peuplaient les océans, rappelle Joe Raman. Il en reste seulement quelques milliers » ;
- 4 % pour le transfert de nutriments vers les terres par les oiseaux de mer et les poissons anadromes. Initialement à environ 150.000 tonnes par an, il se serait donc réduit de 96 %.
Pour les auteurs, cet apport est probablement important pour les écosystèmes des eaux de surface et des terres émergées. On sait même que l’activité biologique est un facteur influant sur la capacité de l’océan à absorber le gaz carbonique de l’atmosphère, et même que les baleines y jouent un rôle (une étude du même auteur). (...)