
Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté le 24 février la résolution 2401 demandant un arrêt immédiat des combats sur tout le territoire syrien. Si l’accent a été mis sur la question particulièrement dramatique de la Goutha orientale, cette résolution s’applique aussi à l’enclave d’Afrin, assiégée depuis le 20 janvier par l’armée turque et les groupes djihadistes qui lui sont affiliés. Ankara refuse d’appliquer cet accord de cesser-le-feu, arguant que la région est aux mains de « terroristes » kurdes.
Notre envoyé spécial Sylvain Mercadier se trouvait dans l’un des convois civils de soutien aux forces kurdes qui s’est fait bombarder le 23 février par des milices proturques en arrivant dans la région d’Afrin.
En arrivant dans le canton d’Afrin de nuit, ce convoi de plus de mille civils a été pris pour cible par des frappes turques et des tirs de mortier venant des collines tenues par les rebelles djihadistes au sud du canton d’Afrin. Résultat : un mort et une dizaine de blessés. Nous nous sommes rués vers des villages aux alentours pour y trouver refuge. Beaucoup de voitures ont été calcinées par les bombes. (...)
Pendant le trajet vers Afrin, nous avons croisé des chefs de tribus arabes, dont les Walida et les Shammar de la région de Tabqa. D’autres représentants arabes venus de la zone contrôlée par les Forces démocratiques syriennes (FDS) de la province de Deir ez-Zor ont également pris part à l’expédition. « Nous sommes venus apporter notre soutien aux habitants d’Afrin victimes d’une agression extérieure et d’une tentative de partition de la Syrie », nous expliquent plusieurs militants. Les représentants arabes affichent leur soutien aux forces kurdes, dans une région où Arabes et Kurdes sont souvent mis en opposition par la politique des régimes arabes ou par la propagande anti-kurde des uns, anti-arabe des autres. « L’invasion de l’armée turque est une opération de division de notre pays que nous refusons catégoriquement », annonce sur un ton déterminé le cheikh Mohamed Ahmed Al-Fannam, originaire de Jizra et réfugié une nuit dans le village de Bassouteh près de l’endroit où le convoi a été bombardé. À Bassouteh, les habitants ne sont pas prêts d’oublier la nuit où les bombardements ont contraint près d’un millier de civils à venir se réfugier dans leurs maisons.
Le lendemain matin, très tôt, des taxis collectifs nous amènent dans la ville d’Afrin où les célébrations prévues ont été annulées. Rapidement, une manifestation s’élance dans les rues. C’est un exercice quotidien, quand le temps et la sécurité le permettent. Les manifestants y scandent des slogans de résistance et reprennent souvent les mêmes mots, « Sourya wahda ! » : La Syrie est unie. (...)
ÉTAT DE SIÈGE
Dans Afrin, la vie suit son cours. Les commerces sont ouverts et les produits de première nécessité restent disponibles et abordables, même si parfois se constituent des files d’attente devant certaines boulangeries. Les habitants vaquent à leurs occupations... tant que l’armée turque ne bombarde pas. Mais c’est un calme trompeur, parce que si la ville a été plus ou moins épargnée par les frappes aériennes, ce sont les villages à la frontière turque dans le nord et le nord-ouest qui ont le plus souffert des bombardements aériens. La gare routière du centre-ville est transformée en lieu d’accueil pour les réfugiés des villages conquis par l’armée turque ou bombardés. Beaucoup de réfugiés ont aussi trouvé refuge chez des proches dans la capitale du canton ou dans les villages encore paisibles. La ville est bien entretenue, bien que quelques bâtiments aient déjà été détruits par des frappes aériennes. (...)
« Nous sommes équipés et assez nombreux pour affronter des forces terrestres, mais comment se défendre contre des bombes lancées par des F-16 ? C’est comme ça que la communauté internationale nous remercie d’avoir chassé l’OEI de la Syrie ? », s’insurge Hevi Mustafa, coprésidente du canton d’Afrin. Tous les habitants rencontrés semblent conscients qu’Afrin et la Fédération du nord de la Syrie sont prises en étau entre les intérêts de puissances régionales qui les dépassent. (...)