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Grandes manoeuvres dans l’agriculture
/Géographies en mouvement
Article mis en ligne le 16 avril 2022

L’hypocrisie des agriculteurs productivistes est à son comble. Ils surfent sur la peur d’une pénurie alimentaire pour se défaire des contraintes écologiques (relatives) imposées par la PAC. Affligeant. Comment Macron peut-il convaincre les électeurs de Mélenchon et Jadot de cette manière ? Via Campesina et la Confédération paysanne tracent une autre voie.

Les grandes manœuvres dans l’agriculture n’ont pas tardé. Sur le front de désolation de la guerre en Ukraine, l’un des greniers à blé, tournesol, maïs et colza du monde, Emmanuel Macron et son ministre activés par le lobby productiviste de la FNSEA et du COPA-COGECA ont agité le spectre d’une crise alimentaire. Et redonnent des couleurs à un système agricole pourtant à bout de souffle. On entend le « produire sans contrainte » dans les médias.

Pourtant, ce système agricole intensif (qu’on peut étendre aux fruits et légumes et leurs serres, à l’élevage confiné des animaux, à la poudre de lait…) est très fragile.

Il est dépendant aux engrais de synthèse, dévorant quantité de gaz pour leur fabrication (et donc, nocifs pour le climat). Il est dépendant des énergies fossiles russes (40% des besoins en gaz sont satisfaits par la Russie). Il est dépendant de l’alimentation animale (...)

Cette agriculture est dépendante des produits phytosanitaires russes (la Russie étant le 2e exportateur mondial derrière la Chine et devant le Qatar). (...)

Mais plus les céréales sont payées cher, plus les agriculteurs productivistes achètent des fertilisants dont les prix pour 2023 vont grimper très haut. Mais gare ! La Russie et l’Ukraine peuvent inonder le marché du blé et les prix vont chuter.

Cette agriculture s’est mise sous la coupe de la finance : le prix des denrées alimentaires qui sont primordiales pour la vie des humains est soumis à la spéculation. (...)

Cette agriculture est sous la coupe du libre-échange : peut-on laisser la sécurité alimentaire aux mains du marché ? (...)

Cette agriculture s’est mise sous la coupe des multinationales semencières. L’Ukraine est un pays producteur important de semences pour l’Est de l’Europe. Une fragilité supplémentaire.

Cette agriculture est gavée d’aides publiques. Celles de la PAC, distribuées à la surface. Les céréaliers qui vont bénéficier de la flambée des cours mondiaux sont parmi les plus grands bénéficiaires de la PAC. (...)

Cette agriculture s’est mise sous la dépendance des banques. (...)

Cette agriculture aggrave la situation des consommateurs et du climat : effondrement de la biodiversité, misère des campagnes du Sud, malnutrition dans les bidonvilles (qui compteront sur la planète deux milliards d’habitants en 2030). Tout cela au détriment des filières locales et de souveraineté alimentaire des pays du Sud. Les crises migratoires mondiales se nourrissent de cette pauvreté des campagnes causée par les exportations de produits alimentaires d’origine productiviste à bas coût.

L’hypocrisie suprême est de se placer comme les sauveurs de populations qui risqueraient les famines. Pourtant, les émeutes de la faim avaient montré en 2008 où nous menait la spéculation et les politiques agricoles libérales.

Via Campesina et Confédération paysanne proposent l’autonomie :

Dans les mesures d’urgence,

  • il faut mettre le prix des céréales à l’abri du marché, et ne pas mélanger les céréales destinées à l’alimentation humaine et celles pour les nourritures animales.
  • Il faut interdire la spéculation en plafonnant les prix des céréales sur les marchés intérieurs et à l’exportation, en promouvant un prix solidaire pour les populations précaires.
  • Pour les éleveurs dépendants des importations de céréales et tourteaux, des plans de sortie de désendettement, de désintensification de la production industrielle. Il faut orienter les productions vers des systèmes plus sobres, plus autonomes, plus en lien avec les sols.
  • Il faut interdire les cultures pour la méthanisation et les agrocarburants. Ce qui permettra de libérer 3 à 5% de la surface agricole pour les humains et les animaux.
  • On doit interdire les fermes usines et poser un moratoire sur les projets d’artificialisation des terres.

Pour le moyen terme, des mesures structurelles doivent être mises en place. (...)

Oui, on peut « diminuer en urgence toutes les dépendances de ce modèle agricole productiviste qui libère les marges de manœuvre diplomatiques afin d’œuvrer pour la paix ».

Les étudiants, scandalisés d’avoir à choisir entre un Macron productiviste à tout crin, dont la politique détruit l’environnement et une Marine Le Pen tout aussi gagnée au sacro-saint marché mondial, se rebiffent cette semaine entre les deux tours de la présidentielle. Comment ne pas les comprendre ?