
Face à la colère légitime qui s’exprime massivement à travers le mouvement des « gilets jaunes », c’est à un exercice de style périlleux que se prêtent le Président Macron et son gouvernement. La prouesse consiste essentiellement à faire passer des propositions sans toucher à l’idéologie qui soutient cette politique, celle du ruissellement, selon laquelle l’enrichissement de quelques-uns bénéficierait mécaniquement à tous. Sauf que les faits sont têtus. Les détenteurs des grosses fortunes continuent à s’enrichir, à bénéficier de largesses fiscales, de redistributions exponentielles de dividendes, tandis que les personnes les plus modestes ne parviennent plus à vivre de leur travail. Et ce ne sont pas les quelques primes versées qui modifieront de façon structurelle cela. Les 4 articles votés en urgence par l’Assemblée Nationale (prime exceptionnelle versée aux salariés du privé, défiscalisation des heures supplémentaires, élargissement de l’exonération de la hausse de la CSG, hausse de la prime d’activité, mais pas du SMIC) annoncés comme mesures d’urgence économiques et sociales se révèlent être des mesures conformes à la « politique de l’offre », qui ne feront qu’accentuer les inégalités économiques et sociales.
Les 4 mesures du Président Macron : un vrai tour de passe-passe…
1- Donner d’une main, reprendre de l’autre
L’augmentation du SMIC ne doit rien coûter aux entreprises, nous dit le gouvernement. En conséquence, les 100€ pour « revaloriser le SMIC » deviennent 100€ soumis à condition, en fonction des foyers fiscaux, donc pas pour tout le monde, pris en charge sur le budget de l’État, donc en échange d’efforts à fournir sur la dépense publique. Une sorte de prime auto-financée par les usagers eux-mêmes, alors que l’absence de services publics auprès de la population, dans les territoires les plus isolés ou en difficulté, est un des symptômes de la relégation sociale que mettent en lumière les expressions multiples des « Gilets Jaunes » ; alors que les besoins en matière de santé, d’éducation, de transport, ou de logement nécessiteraient un développement de ces services publics ; alors que la relance de la consommation interne pourrait s’appuyer sur l’augmentation du pouvoir d’achat des français.
2- Merci Patron
La prime versée aux salariés du privé est laissée au bon vouloir des entreprises. La preuve est ainsi faite, au moins pour les multinationales et les grandes entreprises, de leur capacité réelle à augmenter significativement les salaires, au regard des fastueux dividendes redistribués aux actionnaires (...)
3- Pénaliser l’emploi
Riche idée de défiscaliser les heures supplémentaires, façon Nicolas Sarkozy. Cette mesure ne bénéficiera en fait qu’à une minorité de salariés, parfois même pour ceux ayant de hauts salaires, et pénalisera le retour à l’emploi de nombreux autres. On est très éloigné d’une société inclusive, offrant à chacun un droit à l’emploi, un revenu décent, régulier, dans le cadre d’un droit du travail protecteur pour les plus démunis. Mais très proche des demandes du MEDEF dont les yeux brillent plus que les guirlandes de noël face à autant de cadeaux inespérés déposés à leurs pieds, un appel à la charité encouragé par des avantages fiscaux.
4- Faire payer les retraités, comme ultime recours
La moitié des retraités touchés par l’augmentation de la CSG verront l’annulation de cette mesure en 2019. Bienvenue, cette décision reste toutefois compatible avec ce système capitaliste et ne remet pas en cause les entendus de la politique présidentielle. (...)
Un grand débat national face à la colère légitime qui s’est exprimée
La « grande concertation nationale » se déroulera en deux temps : une première phase, de mi-décembre à mi-janvier, au niveau des communes et une seconde phase, de mi-janvier à mi-mars, à l’échelle nationale. Tout comme les associations, les citoyens ne se font aucune illusion tant l’expérience des concertations antérieures a montré leur impuissance à faire prendre en compte les apports des « partenaires sociaux ». Selon les propres mots de Chantal Jouanno, au nom de la Commission Nationale du Débat Public « il est primordial de ne jamais laisser entendre que le gouvernement pilote directement ou indirectement » ce débat. Ne pas « laisser entendre »… comme un aveu d’un débat destiné à calmer la colère qui s’exprime sur les boulevards comme sur les ronds-points.
L’enjeu essentiel devrait être de porter le débat à tous les niveaux pour mener la transition sociale en même temps qu’écologique. Mais l’angle par lequel sont abordés les 4 thèmes proposés au débat (transition écologique, fiscalité, organisation de l’Etat, démocratie et citoyenneté) relève d’une seule et même logique, sous couvert de « mieux accompagner les Français dans leur vie quotidienne », ou encore « mieux répondre aux besoins des Français »… Autant de belles paroles masquant ainsi le dogme dans lequel M. Macron s’enferme : tout se fera à moyens constants, voire moindre, dans le cadre d’une baisse des dépenses publiques, sans s’attaquer ni à l’appropriation par un petit nombre des richesses produites, ni aux abattements et détournements fiscaux dont ils bénéficient impunément, ni surtout à leur pouvoir et leur position sociale.
« Fin du monde Fin du mois » Même combat
Il y a urgence à comprendre que luttes sociales et environnementales c’est la même chose. Le mouvement des « Gilets Jaunes », s’il s’exprime avec ses propres particularités, et notamment une forte défiance à l’égard de toute forme pré-constituée, se situe dans le prolongement des grandes luttes qui ont contesté les fondements de cette société injuste et liberticide. (...)