
Digne d’un polar !
LE CONVOI DE TOUS LES DANGERS
Jamais convoi solidaire en Grèce n’a été aussi périlleux :
– barrage policier,
– filatures très visibles,
– pressions diverses,
– propagande médiatique,
– accusations délirantes,
– menaces fascistes explicites,
– plusieurs de nos lieux solidaires en grandes difficultés,
– l’un d’entre eux sur le point de mettre la clé sous la porte,
– attaque incendiaire néo-nazie sur un autre,
– inondations dramatiques,
– programme sans cesse chamboulé,
– six membres du convoi blessés par des policiers durant une manif,
– un autre arrêté et poursuivi en Justice puis libéré,
– un autre encore hospitalisé puis rapatrié en France…
On vous avait prévenus de longue date : ce convoi allait être plus politique que les précédents. Période importante. Météo moins clémente. Manif anniversaire. Nous savions également qu’après notre convoi très remarqué du printemps (26 fourgons), sous le feu malveillant des médias grecs, la surveillance du pouvoir et la haine des néo-nazis, nous serions probablement attendus. Sur les réseaux sociaux, début novembre, des fascistes cherchaient à savoir notre date exacte d’arrivée. Le pouvoir était également aux aguets. Qu’importe. Nous savions que ce serait compliqué et nous avions clairement prévenu nos candidats au voyage.
Contrairement au printemps, aucun enfant n’était admis dans le convoi, excepté Achille que nous avions prévu de laisser chez une parente à Athènes dès notre arrivée. Mais celle-ci, bien désolée, se décommanda au dernier moment, ajoutant une épreuve de plus durant le séjour : un petit gars de 8 ans avec nous dans ce qui allait devenir une véritable tempête.
Avec notre collectif Anepos, parallèlement à nos films solidaires, c’était la dixième fois depuis 2012 que nous coordonnions un transport de matériel vers nos lieux autogérés en Grèce, parfois très modestement avec de simples voitures, et c’était la quatrième fois durant l’année 2017 (...)
c’était la deuxième fois seulement qu’on dépassait la quinzaine de véhicules et la trentaine de convoyeurs. Pour la plupart, nous venions du sud de la France : Bordeaux, Marseille et, surtout, les environs du Tarn (5 fourgons sur 16). D’autres nous avaient rejoint depuis la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, Limoges, la Bourgogne ou encore la Savoie, la Suisse et la Belgique. La moyenne d’âge était un peu plus élevée qu’à l’habitude et 18 convoyeurs sur 33 étaient déjà partis avec nous.
Seul regret : malgré notre appel pressant dans les réseaux antifascistes, plusieurs de nos camarades motivés avaient finalement du reporter leur départ. Nous n’étions donc qu’un quart des convoyeurs vraiment expérimentés dans ce domaine, alors que nous aurions souhaités être une bonne moitié dans ce profil, vu les circonstances délicates.
Cependant, le courage n’a pas manqué, personne dans le groupe n’a jeté l’éponge dans l’épreuve et, au final, dans des circonstances très difficiles, non sans quelques tensions inévitables, nous avons réussi à remplir tous nos objectifs, et plus encore, en participant également à la solidarité avec les sinistrés des inondations mortelles de l’ouest athénien.
Nous avons également battu le record absolu de soutien financier jamais apporté en convoi : 22 897 euros apportés contre 19 280 euros au printemps. Une somme répartie, à la suite de notre assemblée sur le ferry, entre 32 actions solidaires, principalement dans le quartier rebelle d’Exarcheia, mais aussi ailleurs à Athènes, ainsi qu’au Pirée, en Crète, à Lesbos ou encore à Thessalonique.
Une aide répartie, comme à l’habitude, environ à 50/50 entre précaires grecs et réfugiés/migrants, sans oublier le soutien aux camarades réprimés, poursuivis ou incarcérés. (...)
Tout ce qui a été demandé puis collecté a été transmis, sans exception, malgré les embûches, sans intermédiaire ni aucun frais, directement au mouvement social qui résiste en Grèce et organise l’entraide dans l’autogestion. C’était un défi cette fois, comme vous allez le voir en photos. Un défi relevé par mes 32 compagnons de voyage. (...)
Merci à vous tou-te-s de votre soutien.
La suite au printemps. On en reparle en janvier.
Solidairement,
Yannis Youlountas
(...) Exactement comme au printemps, les JT des principales chaînes de télé grecques nous dénigrent aussitôt et nous calomnient diversement, laissant croire que nous venons pour détruire, sous-entendant que nous transportons des armes ou des munitions, et essayant, par tous les moyens, de faire peur aux téléspectateurs à notre sujet, notamment en mélangeant les images de notre arrivée (trouvées sur Internet) à des archives d’émeutes doublées de musiques inquiétantes.
On apprend aussi par la presse que la direction générale de la police s’excite à notre sujet et que le ministre de l’intérieur en personne aurait donné des consignes. Ben oui, les paquets de couches et le lait infantile, ça fait peur !
Les articles contre nous ne se contentent pas d’images d’archives montrant des émeutes pour occulter nos livraisons solidaires et vitales, ils vont parfois jusqu’à utiliser des faux-portraits évoquant des djihadistes pour mieux sous-entendre que nous sommes peut-être des terroristes en puissance. Allez hop ! Tant qu’on y est ! Une radio précise que la France est truffée d’islamistes dangereux et insinue que certains d’entre eux sont peut-être cachés… dans notre convoi ! Après l’islamo-gauchisme, l’islamo-anarchisme ? Pfff ! Quelqu’un aurait-il un cachet d’aspirine ? (...)
Rapidement, la propagande officielle contre nous attise à son tour la haine des fascistes. Les sites d’extrême-droite reprennent en boucle le parallèle avec les talibans : nous sommes venus avec des munitions pour transformer Athènes en Kaboul, à l’initiative d’un obscur complot (reptilo-illuminati ?). Des groupes fascistes sur les réseaux sociaux parlent même de guerre civile. (...)
Depuis bientôt deux ans, l’Autre Humain croule sous les dettes. Le fameux réseau de 17 cuisines sociales gratuites et autogérées a récemment annoncé un triste décision : il va quitter le 15 décembre son magnifique lieu de vie dont la location n’est plus possible. Ce grand espace au centre d’Athènes permettait aux sans-abris de se doucher, de laver leurs vêtements et de déjeuner au chaud, aux enfants démunis de trouver une aire de jeux et une aide aux devoirs, à tous d’être accompagnés autrement, sans bureaucratie, avec des boissons chaudes et des biscuits, ainsi que des ordinateurs et une assistance pour essayer de résoudre leurs problèmes. C’était un lieu en location parce qu’il permettait aussi de stocker beaucoup de choses, denrées et gros matériel, qui auraient probablement été perdus en cas d’expulsion.
Mais la solidarité de quelques dizaines d’ouvriers dans une usine voisine a permis de rassembler un quart de la somme nécessaire, parmi d’autres initiatives. Alors, après avoir longuement fait nos calculs, nous avons décidé tous ensemble de prendre en charge tout le reste, effaçant la totalité des dettes et assurant plusieurs mois de loyer d’avance. Plusieurs convoyeurs ont ajouté de l’argent sur leurs propres deniers pour parvenir à la somme nécessaire, en plus de la somme apportée par le convoi lui-même. (...)
Maintenant, il nous reste à organiser une aide régulière pour que ce réseau absolument vital au mouvement social grec reste durablement dans ce lieu. C’est pourquoi nous lancerons prochainement un appel aux associations, syndicats et collectifs de lutte de France, Suisse et Belgique qui voudront bien prendre avec nous un minuscule petit bout du loyer. Nous espérons ainsi assurer mensuellement 250 des 500 euros de loyer (10 euros par mois x 25 contributeurs, ça doit être possible, non ?). On en reparle dans quelques temps. Pour l’instant, le loyer est payé jusqu’au 15 juin 2018. (....)
A vous tou-te-s, merci, quelle que soit la façon dont vous avez aidé à préparer ce convoi.
Et, pour les plus motivés, on vous emmène la prochaine fois. Pensez à ne pas oublier votre carte européenne de sécu, on sait jamais
A bientôt !