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France - Pour en finir avec le harcèlement sexuel et la violence au travail
/Par Nisha Varia, Luc de Ronne et Philippe Lévêque
Article mis en ligne le 8 mars 2021

Le 8 mars, la journée internationale des droits des femmes nous rappelle avec acuité que les discriminations et les violences basées sur le genre - au domicile, dans les relations interpersonnelles, dans la rue et au travail - continuent d’être une réalité dramatique pour les femmes et les jeunes filles dans toute la France.

Au cours de la seule année écoulée, des survivantes et des militantes ont appelé à une meilleure protection contre le harcèlement sexuel et les violences au travail, et exigé des mesures immédiates pour faire face à l’augmentation alarmante des violences domestiques lors des confinements liés à la pandémie de Covid. Elles ont également réclamé une action gouvernementale sur le long terme pour lutter contre les féminicides, tandis que le fléau de l’inceste a été mis en lumière via le hashtag devenu viral #MeTooInceste, avec une pression supplémentaire pour relever l’âge du consentement sexuel et lutter contre les violences sexuelles contre les enfants.

L’été prochain, la France co-présidera avec le Mexique le Forum Génération Égalité. Cet événement réunira des gouvernements, la société civile et des entreprises afin d’élaborer un plan sur dix ans pour accélérer les progrès en matière d’égalité des genres et engager les différents acteurs autour de sa mise en œuvre.

La France affirme vouloir être une championne de l’égalité entre les femmes et les hommes au niveau international, mais elle se doit également de l’être au niveau national. Pour ce faire, Emmanuel Macron et son gouvernement devraient engager des réformes audacieuses et ambitieuses pour lutter contre les violences basées sur le genre. La France apparaîtrait ainsi sur la scène mondiale non seulement comme l’un des pays hôtes du Forum Egalité, mais aussi comme un exemple à suivre.

Il s’agit pour cela de ratifier rapidement la Convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la violence et le harcèlement (C190) qui définit les normes internationales pour prévenir et combattre la violence et le harcèlement au travail, et de procéder aux réformes nationales nécessaires.

Selon une enquête menée en avril 2019 par l’Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et la Fondation européenne d’études progressistes, 30 % des femmes interrogées en France ont déclaré être victimes de harcèlement sexuel au travail. Le harcèlement et les violences sexuelles touchent toutes les catégories de travailleuses, qu’elles soient fonctionnaires ou soignantes à domicile. Pourtant, on observe des lacunes importantes tant en matière de prévention et de soutien sur le lieu de travail que de possibilités de recours en justice.

La Convention de l’OIT sur la violence et le harcèlement expose les mesures que les gouvernements devraient prendre pour renforcer la prévention, améliorer les voies de recours, ainsi qu’encadrer et garantir la responsabilité des employeurs.

L’ex-ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a été l’une des premières à s’engager à procéder à la ratification du traité lors de son adoption en juin 2019. Mais, alors que certains pays ont achevé leur processus de ratification, la France est à la traine. (...)

Afin de changer la réalité quotidienne des personnes sur leur lieu de travail, la ratification doit aussi s’accompagner d’indispensables réformes nationales.

  • Premièrement, le gouvernement devrait prévoir une sanction pour les employeurs qui n’ont pas de plan de prévention contre les violences sexuelles et sexistes ou qui ne tiennent pas compte du harcèlement sexuel dans leur évaluation des risques professionnels. Le droit français fait du plan de prévention des violences une obligation, mais, selon des rapports, 80 % des employeurs n’en disposent pas.
  • Deuxièmement, le gouvernement français devrait interdire aux entreprises de licencier des salariées pour des raisons liées à des violences conjugales et garantir aux survivantes la possibilité de réorganiser leurs horaires de travail pour se protéger de ces abus. La pandémie de Covid-19 souligne l’importance de telles protections afin que les victimes de violences conjugales puissent se protéger sans craindre de perdre leur emploi. Les enjeux - la liberté et la protection des femmes - sont considérables, et il n’y a pas de temps à perdre.
  • Troisièmement, le gouvernement devrait renforcer les prérogatives des instances de soutien aux employé.e.s pour aider celles qui font face au harcèlement sexuel et aux autres formes de violence basées sur le genre, y compris les violences conjugales. Il devrait également rendre obligatoire la formation des cadres et du personnel des ressources humaines, ainsi que les programmes de sensibilisation pour rappeler leurs droits à tous les salarié-e-s. La stigmatisation et la crainte des représailles font partie des obstacles qui limitent le signalement du harcèlement sexuel et des violences au travail.
  • Enfin, la France devrait exiger des entreprises françaises qu’elles identifient, préviennent et répondent aux risques de violences et de harcèlement sexuel dans leurs chaînes d’approvisionnement - où se trouvent souvent les travailleur.euse.s les plus vulnérables - en vertu de la loi de 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. (...)

Avant le Forum Génération Égalité qui se déroulera cet été, la France devrait non seulement ratifier la convention de l’OIT, mais aussi engager des réformes nationales fortes et progressistes pour lutter contre les violences et le harcèlement au travail. (...)
Les enjeux - la liberté et la protection des femmes - sont considérables, et il n’y a pas de temps à perdre.