
Une quinzaine de responsables d’une yeshiva en France ont été placés en garde à vue lundi, soupçonnés de maltraitances physiques et psychologiques envers la soixantaine d’élèves de l’établissement, principalement des mineurs américains et israéliens, a annoncé la procureure de Meaux.
« Cet établissement accueillerait de manière non déclarée de nombreux mineurs de nationalité américaine et israélienne ne parlant pas le français, dans des conditions abusives : enfermement, confiscation des documents d’identité, conditions de vie dégradées, actes de maltraitance, absence d’accès à l’éducation et aux soins, et sans possibilité de revenir dans leurs familles », a détaillé la procureure Laureline Peyrefitte, dans un communiqué.
Seize responsables ont été interpellés et placés en garde à vue lundi matin (1° février)
Quelques alertes sur ce « milieu extrêmement fermé » étaient remontées via le recteur et la plainte d’un adolescent qui s’en était échappé a accéléré l’enquête, a indiqué à l’AFP la préfecture du département de Seine-et-Marne.
En juillet, un élève américain avait fugué de la yeshiva Beth Yossef et trouvé refuge à l’ambassade américaine à Paris. De novembre à décembre, d’autres adolescents se sont échappés.
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) avait aussi émis un signalement.
L’enquête a été ouverte des chefs de séquestration en bande organisée, violences aggravées, privation de soins et d’aliments, abus de faiblesse aggravé, a précisé Laureline Peyrefitte. (...)
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Avi Ran, né dans la ville ultra-orthodoxe de Bnei Brak en Israël, avait 12 ans quand sa famille l’a envoyé étudier en France dans l’école talmudique Beth Yosef de Bussières, un village de 500 âmes à 60 kilomètres à l’est de Paris, en Seine-et-Marne, connue pour « redresser » les jeunes « qui sortent un peu du chemin » de la Torah. (...)
Arrivé en 2002 dans l’école francilienne, il devait y rester quelques mois, il y restera 12 ans, victime dit-il à l’AFP d’un « lavage de cerveau » de la part d’une institution, qui même au regard des pratiques très strictes et parfois d’un autre temps de ce milieu religieux, étaient « extrêmes ».
Une « secte à tous points de vue », assure aujourd’hui le trentenaire. (...)
Dans un communiqué la procureure de Meaux, Laureline Peyrefitte, a décrit un établissement où se pratiquait « enfermement, confiscation des documents d’identité, conditions de vie dégradées, actes de maltraitance, absence d’accès à l’éducation et aux soins, et sans possibilité de revenir dans leurs familles ». (...)
Pour le jeune adolescent ultra-orthodoxe « au début c’était bien, on avait l’impression d’y être pris en main, même si les méthodes paraissaient très dures », dit-il.
« L’endroit est complètement délabré, les chambres sentent le pourri, il n’y a pas d’eau chaude », dit-il à propos de cette grande bâtisse située dans les bois, à l’écart du village de Bussières.
« Leur base de travail, c’est de nous faire tenir un journal, dans lequel on doit tout le temps écrire au rabbin ce que l’on ressent, nos pensées et surtout nos mauvaises pensées ».
« Et ensuite c’est les châtiments, soient ils jettent une opprobre sur l’un ou l’autre publiquement en disant qu’il ‘sort du chemin’ et les autres ne peuvent plus lui parler, soit il y a des coups, des coups physiques », se souvient le jeune Israélien. (...)
« Dans mon cas, je n’en n’ai jamais reçu, mais on m’a demandé d’en donner à mon frère, en me disant ‘venant de toi ça sera encore plus efficace pour qu’il comprenne’. C’était traumatisant ».
« Et puis rapidement on comprend qu’on est en prison, qu’on a plus de passeports, qu’on ne peut pas sortir du lieu, qu’on a des visites très réglementées de nos proches et très rares. Il y a très peu de sorties au village et il faut s’abstenir de tout contact ».
« On pouvait passer des mois, même des années sans passer la porte de l’école, sauf pour rentrer en Israël exceptionnellement », pour un mariage ou une occasion familiale.
« J’avais fini par écrire à ma mère que je n’étais plus son fils, mais le fils du rabbin A et j’y suis resté 12 ans », se désole-t-il.
« Il y a eu énormément de tentatives de fugues et certains ont essayé d’alerter les autorités. Mais il faut comprendre qu’on est complètement séparés du monde. Après 12 ans en France je ne savais pas parler un mot de français à part ‘merci’ », dit-il alors que l’intégralité de l’enseignement se fait, comme le veut la tradition en yiddish et en hébreu.
Lundi matin, 16 des responsables de l’école ont été interpellés et placés en garde à vue.
« La nouvelle de ces arrestations m’a énormément soulagé, car on se demandait quand est-ce que ça allait s’arrêter. Il y a une équipe de rabbins et de familles qui séquestre génération après génération des centaines de gamins dans cet endroit, tout le monde le savait, personne ne faisait rien ». (...)