Ce 10 novembre, les associations organisent une seconde « journée noire » pour protester contre la suppression des emplois aidés, qui met à mal leurs activités d’utilité sociale. Dans cette tribune, Jérôme Polidor, réalisateur du film Merci les jeunes !, interroge la logique gouvernementale et sa politique visant à faire du « social low cost », synonyme d’abandon des populations bénéficiant de l’action des associations.
Merci les jeunes ! raconte la vie d’une association du 93, dans ses relations avec les institutions, dans les rapports et enjeux de pouvoir entre les salariés, les bénévoles, avec ses amitiés, ses histoires d’amour et de haine. Un modèle d’organisation contre lequel l’État a lancé une charge inédite à l’été 2017, avec la suppression des emplois aidés, et l’annulation de 50 millions d’euros de crédits « politique de la ville » pourtant déjà promis aux structures.
Les associations sont les premières à reconnaître que le modèle est imparfait : car comment se se satisfaire d’emplois jetables comme les « contrats d’accompagnement dans l’emploi » (CAE) et les « contrats initiative emploi » (CUI) ? Mais la suppression de ce dispositif aggrave encore la situation, a des conséquences directes sur des dizaines de milliers de personnes, salariées ou usagères des associations. Et met en péril l’existence d’un nombre incalculable de petites associations, atomisées dans toute la France, qui n’ont pas les moyens de se fédérer pour se défendre alors qu’elles doivent trouver des solutions d’urgence pour survivre et assurer leurs activités.
La fin de la mauvaise conscience du capitalisme
« La diversité ce n’est pas une critique du capitalisme ; c’est sa bonne conscience. » (...)
le passage à l’acte meurtrier de jeunes fanatiques religieux ayant grandi dans les quartiers « prioritaires » a changé la donne. La confiance de la classe politique dans les associations de terrain s’est émoussée. A la suite de l’OPA de M. Macron et de ses acolytes sur l’État, la mauvaise conscience semble s’être évaporée. La méritocratie serait-elle répandue au point que « ceux que ne sont rien » ne méritent plus d’assistance ? Les associations seraient-elles devenues inefficaces, inutiles ?
Faut-il rappeler que nombre des actions proposées par les associations viennent combler des lacunes des services publics ? Il s’agit d’aide aux devoirs, d’alphabétisation, de projets éducatifs, artistiques, sportifs…. Alors l’indépendance des associations n’est que très relative et surtout synonyme de précarité de l’emploi et de conditions de travail dégradées. Combien coûteraient à l’État et aux collectivités locales toutes ces actions de terrain si elles n’étaient pas sous-traitées aux associations mais menées par des fonctionnaires décemment payés et avec une vraie sécurité de l’emploi ?
Le modèle de l’entreprise transposé sans nuances
Le modèle de l’entreprise est appliqué progressivement aux associations. (...)
Mais par qui vont être remplacés ces coûteux salariés ? Des « volontaires » en services civiques, sous-payés et sans droits sociaux ? Des auto-entrepreneurs facturant des micro prestations çà et là ? A y regarder de plus près, il y a une grande cohérence avec la casse du droit du travail, menée en parallèle par le même gouvernement. Pourquoi le secteur associatif serait-il épargné ? Et que se passera-t-il lorsque les associations les plus fragiles auront mis la clef sous la porte ? Qui remportera les appels à projet ? Des grosses associations régionales ou nationales qui profitent déjà de dispositifs taillées sur mesures ? Va-ton vers une logique de fusion acquisition, chère à M. Macron, appliquée au monde associatif ?
Merci les jeunes ! ne répond bien évidemment pas à ces questions, mais propose une histoire subjective de la richesse des relations humaines que propose le secteur associatif, des contradictions et tensions qui l’habitent. Bientôt un document d’archive ?