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Attac France - Les Possibles
Face au désastre, que peut-on faire ?
mardi 4 août 2015, par Jean-Marie Harribey *, Jean Tosti *
Article mis en ligne le 4 août 2015

L’Union européenne est un désastre total. En son sein, l’Union économique et monétaire est un désastre au carré. La 21e Conférence des parties (COP 21) de l’ONU qui aura lieu à Paris en décembre prochain pour trouver un accord sur le climat s’annonce comme un désastre programmé. Depuis huit ans, la crise ouverte aux États-Unis et qui s’est répandue partout a engendré une somme de désastres sociaux qu’on croyait ne plus jamais revoir.

Tout cela parce que les classes dominantes, d’un bout du monde à l’autre, ont fait le choix de renforcer leur modèle financier plutôt que de le corriger, ne serait-ce que modérément. Ainsi, la crise écologique et le réchauffement climatique sont vus comme des occasions de donner une envergure encore plus grande à la privatisation et à la marchandisation des biens naturels, en les transformant en nouveaux actifs financiers. Et, comme si cela ne pouvait aller sans un corollaire, dans le même temps, les peuples se voient présenter la facture de cette crise capitaliste. Comment interpréter autrement la violence de la pression exercée contre le peuple grec depuis qu’il a osé élire un gouvernement promettant de rompre avec l’austérité et d’engager un programme de réformes structurelles positives et non pas négatives ?

Tels sont les événements dont nous sommes les témoins, et dont le caractère dramatique tient bien sûr au délabrement économique et social qui est imposé à la Grèce, mais aussi à la négation du principe même de la démocratie. Un peu comme si cette démocratie, inventée en Grèce il y a 2500 ans, devait être éradiquée parce que son existence était un obstacle à la poursuite d’une accumulation financière infinie. Les peuples votent contre l’austérité, eh bien, on va leur en administrer une dose supplémentaire, histoire de leur apprendre qui commande. La reddition du gouvernement Syriza, obtenue le couteau sous la gorge, a beau être parée du terme « accord », elle n’en rappelle pas moins les accords de Munich qui, en 1938, ouvrirent la période la plus tragique du XXe siècle [1], laquelle avait suivi le traité de Versailles de 1919, aussi funeste qu’imbécile.

La fenêtre qui avait été entrouverte en Grèce en janvier dernier a été brutalement refermée par dix-huit chefs d’État ou de gouvernement et les responsables de ladite « troïka », représentants zélés d’une oligarchie financière, qu’on croyait sans visage, mais qui apparaît de plus en plus nettement : Draghi, ex-responsable de Goldman Sachs en Europe qui avait maquillé les comptes publics de la Grèce pour faire entrer celle-ci dans l’euro ; Juncker, ex-évadeur fiscal diplômé ; Lagarde, appelant à alléger la dette de la Grèce sauf celle envers le FMI ; Schäuble, chrétien-démocrate exécuteur en chef, etc.

Face à un tel désastre, le pire serait sans doute de baisser les bras, même si la tentation en est parfois forte. Telles des fourmis, il nous faut continuer à travailler pour préparer le retour de conditions plus favorables à l’inversion des rapports de force. La modeste contribution d’une revue comme Les Possibles se situe là. Nous poursuivons ainsi dans ce numéro l’exploration des thématiques qui sont, à notre avis, porteuses des enjeux principaux pour l’avenir : après, notamment, la protection sociale, l’écologie, les biens communs et la monnaie, nous abordons ici le thème de la connaissance en tant que construction typiquement humaine, potentiellement apanage de l’humanité entière, mais très menacée par la marchandisation généralisée. (...)

Face au désastre, que peut-on faire, disions-nous en commençant ? À notre niveau, dans cette revue, nous pouvons contribuer à trois choses. Premièrement, donner la parole à des contributeurs dont les points de vue différents peuvent s’avérer utiles. Car, et c’est la deuxième direction, la gravité de la situation – l’expérience subie par la Grèce l’atteste cruellement – montre que la théorie est impuissante si elle ne se traduit pas en perspective stratégique. Or, le renouvellement de la réflexion stratégique des mouvements sociaux et politiques, à un moment où les forces néolibérales viennent de frapper un grand coup en Europe, est une impérieuse nécessité. Troisièmement, peut-être avons-nous aussi besoin d’approfondir concrètement ce que serait un programme de rupture avec les politiques menant aux désastres sociaux et écologiques. Par exemple, que signifie précisément récupérer la maîtrise d’une banque centrale pour qu’elle ne ferme pas le robinet du refinancement monétaire ? Comment fonder, dans une phase de transition, une monnaie parallèle pour desserrer l’étau de la monnaie unique ? À combien chiffrer le besoin d’investissements de transition énergétique et écologique ? S’il faut donner la priorité aux énergies renouvelables, le financement de ces investissements doit-il être privé ou public ? Et on ne quitte pas notre souci actuel : comment peut-on imaginer que la Grèce puisse préparer le renouveau de son appareil productif sur le champ de ruines dans lequel la désastreuse Union européenne va la laisser, pour la plus grande satisfaction des « marchés » et dans le silence assourdissant des syndicats européens ? (...)