
L’hydrologie (du grec hýdōr, « eau » et lógos « étude ») est une discipline incontournable face au dérèglement climatique, tandis que l’eau est au cœur de tensions légitimes. Pour mieux comprendre cette discipline, rencontre avec des spécialistes en hydrologie et en agro-écologie, résolus à transmettre leurs savoirs sur l’eau au plus grand nombre afin d’envisager ensemble les solutions pour mieux gérer cette ressource précieuse, en voie de privatisation. (...)
L’agriculture étant le premier secteur consommateur en eau, il représente en outre un volet prioritaire en matière de gestion d’eau ; volet qu’il est crucial de mieux connaître pour lui trouver des alternatives. Toutefois, ce travail d’adaptation ne doit absolument pas éclipser l’importance d’attaquer les problèmes à la source : qu’il s’agisse du réchauffement climatique causé par l’activité humaine thermo-industrielle, du gaspillage de l’eau, de sa privatisation criminelle par des méga-entreprises ou de son accaparement par des installations inégalitaires.
Tout en luttant contre ces fléaux systémiques, quelques pistes d’hydrologie régénérative peuvent ainsi s’avérer potentiellement complémentaires, introduites pour nous par plusieurs chercheurs et chercheuses. Tour d’horizon rapide, à poursuivre.
Qu’est-ce que l’hydrologie régénérative ?
Alain Malard investit ce qu’il appelle l’hydrologie régénérative : « une science de la régénération des cycles d’eau appliqués à l’agriculture ». (...)
« L’hydrologie régénérative se focalise d’abord sur la circulation de l’eau. Celui qui met en place ce système agricole naturel réfléchit à la manière de canaliser le flux de l’eau, de la ralentir, de l’infiltrer, pour réduire la perte d’eau lors des différentes manœuvres agricoles » (...)
L’hydrologie régénérative se focalise d’abord sur la circulation de l’eau. Celui qui met en place ce système agricole naturel réfléchit à la manière de canaliser le flux de l’eau, de la ralentir, de l’infiltrer, pour réduire la perte d’eau lors des différentes manœuvres agricoles » (...)
Marine Riffard-Chenet travaille autant pour des ingénieries de conception de grands aménagements hydrauliques que sur des projets liés à la gestion de l’eau et à l’adaptation des pratiques et usages. (...)
« Les réseaux de mesure sont denses et bien entretenus en Europe. Dans d’autres pays, c’est une catastrophe par manque de moyens et de stabilité pour les organismes de suivi météorologique. Nous devons acquérir des données et les partager avec la communauté ».
Docteure en géosciences appliquée dans la caractérisation hydrothermale des volcans, Cécile Savin est fondatrice d’un bureau d’études spécialisé dans l’imagerie du sous-sol pour identifier les niveaux d’eau. Elle est désormais présidente de l’ADAF, association drômoise d’agro-foresterie qui intervient dans la plantation d’arbres et dans le domaine de l’agriculture régénérative : « Le problème majeur est l’eau qui tombe de manière intense et concentrée sur de très courtes périodes. Cette eau, à cause de plusieurs facteurs, ne s’infiltre plus suffisamment et durablement pour recharger les nappes phréatiques » (...)
Simon Nocard, ingénieur de formation, travaillant dans le génie énergétique puis en reconversion dans la permaculture, a découvert au Mexique une méthode d’aménagement des espaces : le keyline design, une pratique agricole qui permet de limiter les érosions en suivant les courbes de niveaux d’eau. (...)
, et en y adjoignant – selon les besoins – agro-foresterie ou pâturages alternés et autres activités en vue de réinstaurer un écosystème complet (biomimétisme).
Cette découverte depuis l’autre côté de l’Atlantique est un premier pas dans la mise en place, plus tard, de ce dispositif en France (...)
Si la discipline semble prendre en popularité, elle repose en réalité sur des structures hydrologiques pensées depuis des millénaires.
Dans le Sud de la France, on retrouve des vestiges de restanques qui sont des terrasses maintenues par des murs de pierre. L’excédent d’eau de ces terrasses alimentait des petits fossés et les parcelles en dessous. Ces fossés canalisaient souvent l’eau vers la zone la plus basse disposant d’un puits. En ce sens, la technique du bassin versant, associée aux keylines, permet de définir l’espace qui entoure un cours d’eau et d’anticiper les trajectoires des ruissellements de la pluie pour mieux la disperser. (...)
Simon Nocard évoque une autre pratique : « On peut aussi recourir au sous-solage : une charrue va agir sous le sol en creusant plein de microsillons pour drainer les sols, sans les retourner, et permettre l’infiltration de l’eau. Il existe d’autres micro ouvrages qu’on a installé en France pour intercepter l’eau : des fossés fragmentés, des petits murets, des marres, des zones humides,… C’est tout un paysage agricole qu’on est contraints d’aménager ».
Permalab a ainsi créé des micro ouvrages de ce type dans la Drome, le Var et l’Ain (...)
« il y a un triptyque fondamental à respecter qui est : eau, sol, arbre. » (...)
En aval : la mauvaise gestion globale de l’eau entraîne sécheresses et inondations
« En France, on a longtemps cru que l’eau serait abondante pour toujours. Aujourd’hui, on voit que cela n’est pas le cas » -Marine Riffard-Chenet
L’artificialisation des sols, leur perte en matière organique et les pompages excessifs en profondeur, printemps comme été, sont quelques-unes des causes du dérèglement du cycle de l’eau dont nous subissons de plus en plus les conséquences. (...)
Le système racinaire est pourtant la clé de la régénération hydrique des sols : « Souvent, on pense que des sources ne coulent plus mais en fait, si l’on creuse au niveau des racines, on peut retrouver de l’eau ! Les arbres et la végétation produisent de l’eau en évapotranspirant. Ainsi, on peut générer de l’eau avec des couverts végétaux tels que les pois et le fourrager. Si les couverts sont suffisamment denses, ces zones vont accélérer la création d’eau par condensation, au printemps. Plus les racines seront profondes, plus on stockera d’eau en profondeur et plus elle remontera à la surface ». (...)
D’après Simon Nocard, nous pourrons mieux gérer l’irrigation et le stockage de l’eau en mettant en pratique une gestion solidaire de l’eau (...)
L’eau, un bien commun à protéger grâce à l’hydrologie
« Stocker l’eau là où elle tombe est la démarche à suivre. (...)
il y a de grandes différences entre puiser l’eau en profondeur dans les nappes phréatiques et penser en amont tout un système hydrologique (...)
Sans compter la pollution de l’eau ». (...)
Et malgré des perspectives peu reluisantes, ces passionnés d’hydrologie restent plutôt optimistes sur l’avenir de la gestion de l’eau. (...)
« Avec des actions immédiates et une réglementation forte, on pourrait probablement changer notre trajectoire assez rapidement » (...)
les avancées techniques comme la création de semences génétiquement modifiées poussant avec peu d’eau en viennent à remplacer des solutions naturelles telle que le développement de cette agriculture régénérative.
A l’image des stations d’épurations insuffisantes pour traiter l’eau si la végétation n’est plus présente, il devient plus que nécessaire de s’attaquer au problème de fond de régénération hydrique des écosystèmes paysagers et agricoles au plus près du fonctionnement naturel des sols et des cycles. En d’autres termes, choisir enfin les solutions respectueuses, locales et de long-terme, plutôt qu’économiques, rentables et de court-terme.