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Extrême droite : pourquoi il faut mener la bataille dans les médias
/Thomas Portes, porte-parole national de Génération.s et Président de l’Observatoire National de l’Extrême Droite
Article mis en ligne le 7 novembre 2021

En 2002, quand Jacques Chirac refusait de débattre avec Jean-Marie Le Pen, il pouvait s’appuyer plus d’un million de personnes qui n’hésitaient pas à descendre dans la rue contre l’extrême. Force est de constater que 19 ans après, la mobilisation n’est plus la même. La fameuse « banalisation » est passée par là.

Aujourd’hui la période nous impose l’humilité, et nous oblige à repenser nos actions à l’aune des dangers qui guettent. Je suis d’autant plus à l’aise avec mon choix que j’ai été l’un des premiers à appeler au boycott de CNEWS tant qu’Éric Zemmour en était le salarié. Aujourd’hui, alors que la chaîne a mis fin à son contrat suite à la décision du CSA de comptabiliser le temps de parole du polémiste, la situation s’est-elle améliorée ? Au regard du recrutement récent de la chaine, je pense bien évidemment à l’identitaire canadien Mathieu Block Coté ou aux nouvelles émissions confiées pour l’une d’entre-elles à une égérie des milieux d’extrême droite Charlotte d’Ornellas, on ne saurait l’affirmer avec certitude. Alors que faire ? Regarder les Jean Messiah, Renaud Camus, Elisabeth Levy ou autres porte-flingues de Zemmour et Le Pen débiter leurs obsessions sans réagir ? Ou les affronter, sans détour, pour tenter - car oui, nous ne sommes pas sûr de réussir - à imposer nos thèmes et démonter leurs mensonges ? J’ai toujours préféré l’odeur de l’arène à celle des salons feutrés. Pour en faire l’expérience chaque semaine depuis un mois, le niveau de violence est permanent dans ces émissions et l’affrontement quasi-quotidien. Mais là où le porte-parole de Génération Zemmour affirme que l’hôpital est submergé par les étrangers, il vaut mieux avoir quelqu’un, en face, capable de dire, chiffres à l’appui, que ce n’est pas l’AME mais les politiques libérales qui sont la cause de la casse de notre service public de santé.

Partout où nous pouvons, nous devons mener ce débat contradictoire, les affronter, y compris sur un terrain qui est censé leur être favorable, pour mener cette bataille des idées. C’est à ce prix, y compris parfois en cédant sur des principes intérieurs qui nous sont chers, que nous gagnerons l’hégémonie culturelle, théorie forgée par l’intellectuel communiste italien Antonio Gramsci, et mère de toutes les batailles politiques. Il ne faut pas être naïf, nous ne changerons pas la ligne éditoriale de ces médias qui sont dopés à l’audience du buzz sur fond de projet politique identitaire. L’enjeu est ailleurs, à savoir ne pas déserter, ce qui reviendrait à leur laisser dérouler leur argumentaire de haine au service d’une pensée politique qui ne rêve que de guerre civile. Si ces médias constituent une caisse de résonnance pour l’extrême droite, il ne faut pas négliger une chose. Nous avons des gens à convaincre

(...) 25% des auditeurs se revendiquent du « bloc de gauche ». Autre élément, encore plus intéressant, 30% se disent « sans étiquette ». Il serait dévastateur de laisser croire à ces personnes que n’existe que deux offres politiques, zemmourienne ou libérale. Convaincre, oui convaincre, doit être ce qui nous anime au quotidien.

À chaque banderille que nous plantons, je crois que nous sommes utiles au combat commun que des milliers de personnes mènent chaque jour à leur échelle, et selon les modalités qu’elles choisissent.

Évidemment certain-e-s ne partagent pas cette analyse sur la participation à des plateaux télés qualifiés, souvent à juste titre, de passe-plats au service de l’extrême droite. C’est leur choix, et je le respecte. Je demande simplement qu’on ne se trompe pas d’ennemi.

Dans cette lutte que nous menons, et nous mesurons chaque jour combien elle est complexe dans un monde où les repères semblent noyés dans un brouillard impénétrable, nous avons besoin de toutes les forces. Là où ils tentent de nous diviser, nous devons unir nos forces pour vaincre. Car oui il s’agit d’un combat.