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Sud-Ouest
Explosion au port de Beyrouth : 16 mois après, pourquoi l’enquête piétine  ?
Article mis en ligne le 26 décembre 2021

Voici un aperçu de la situation de plus en plus complexe créée par des recours judiciaires à répétition qui freinent l’enquête sur la pire tragédie du Liban en temps de paix

Seize mois après l’explosion monstre qui a ravagé Beyrouth, le juge chargé de l’enquête sur le drame fait l’objet d’un tir groupé de responsables politiques qui ont déposé 18 plaintes contre lui, et son cas paralyse le gouvernement. Jeudi, le juge Tareq Bitar a été contraint de suspendre une nouvelle fois ses investigations.

Blocages

L’explosion le 4 août 2020 dans un entrepôt qui abritait plusieurs tonnes de nitrate d’ammonium stockées depuis des années sans mesures de précaution au port de Beyrouth a fait plus de 215 morts et défiguré la capitale libanaise.

Les plus hauts responsables politiques et de sécurité étaient au courant de la menace constituée par cette cargaison de produits chimiques mais n’ont pris aucune mesure. (...)

En février, le premier juge chargé de l’enquête, Fadi Sawan, a été écarté après l’inculpation de hauts responsables. Son successeur, Tareq Bitar, se heurte à des obstacles similaires, et fait face à une campagne politique concertée pour le dessaisir. Les responsables qu’il a poursuivis pour négligence ont déposé des plaintes contre lui, le contraignant à interrompre son enquête à quatre reprises. (...)

L’Etat a aidé ces hauts responsables à se dérober à toute responsabilité. Le Parlement a refusé de lever l’immunité accordée aux députés, et des responsables ont rejeté les demandes d’interrogatoire de hauts responsables de sécurité.

Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur n’a pas exécuté les mandats d’arrêt émis par le juge Bitar, entravant davantage ses investigations.
Violences et paralysie

Les tentatives de faire obstacle au travail du juge Bitar ont débordé dans la rue, le puissant Hezbollah pro-iranien et son allié, le mouvement Amal, organisant une manifestation en octobre pour demander son remplacement. La manifestation des deux mouvements chiites a dégénéré, et des tirs d’origine indéterminée ont fait sept morts. (...)

L’affaire paralyse également le fragile gouvernement formé en septembre pour tenter de sortir le pays de la pire crise économique et financière qu’il ait connue. Les ministres d’Amal et du Hezbollah ont affirmé qu’ils boycotteraient les réunions du cabinet jusqu’à ce que le juge Bitar soit remplacé, et le gouvernement ne s’est plus réuni depuis le 12 octobre. (...)

Dans un pays où les responsables politiques décident des nominations judiciaires, y compris dans les plus hautes juridictions, le pouvoir judiciaire a très peu de marge de manœuvre contre les dirigeants. (...)

Des juges qui ont rejeté les demandes de remplacement de M. Bitar ont depuis été eux-mêmes poursuivis en justice par les mêmes responsables, qui ont également mobilisé des magistrats qui leur sont affiliés à chaque occasion.
Justice « malade »

Les poursuites contrEn septembre, plus de 140 organisations de défense des droits humains, survivants et proches de victimes ont appelé le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU à une enquête internationale indépendante, estimant que « les ingérences politiques flagrantes et l’immunité pour les hauts responsables » rendaient l’enquête locale incapable d’aboutir.e M. Bitar retarderont inévitablement la présentation par le juge de ses conclusions, qui étaient attendues pour la fin de l’année, selon une source judiciaire. Dans un pays où les assassinats des plus hautes personnalités politiques et les attentats restent impunis, beaucoup craignent que l’enquête locale échoue à demander des comptes. (...)