
Mai 2018. Exarchia se tend. Pas une première, mais cette fois ce n’est pas contre la police. À la nuit tombée, une quarantaine de cagoulés costauds chassent les vendeurs à la sauvette qui se sont multipliés sur la place centrale, Platia. « On assiste à des pogroms. C’est la quatrième fois en dix jours qu’ils se font brûler leur stand et tabasser », tance Lily.
Revendeurs de clopes, étals à l’arrache, deals en tous genres : selon certains, les réfugiés seraient le pont avancé de la « mafia ». Les premiers éliminés aussi. « Les gens se focalisent sur les réfugiés parce que Platia est bordélique. Ils oublient vite le business tenu juste avant par les Albanais. La mafia a juste changé de main-d’œuvre. Et baissé le coût du travail », ajuste Vlad’, un brin cynique.
Mai 2018. Exarchia se tend. Pas une première, mais cette fois ce n’est pas contre la police. À la nuit tombée, une quarantaine de cagoulés costauds chassent les vendeurs à la sauvette qui se sont multipliés sur la place centrale, Platia. « On assiste à des pogroms. C’est la quatrième fois en dix jours qu’ils se font brûler leur stand et tabasser », tance Lily.
Revendeurs de clopes, étals à l’arrache, deals en tous genres : selon certains, les réfugiés seraient le pont avancé de la « mafia ». Les premiers éliminés aussi. « Les gens se focalisent sur les réfugiés parce que Platia est bordélique. Ils oublient vite le business tenu juste avant par les Albanais. La mafia a juste changé de main-d’œuvre. Et baissé le coût du travail », ajuste Vlad’, un brin cynique.
Une fois l’ancienne clique de revendeurs évincée, les débarqués syriens, maghrébins et kurdes ont donc repris la place. Peu à perdre à défaut d’avoir beaucoup à gagner, ils s’écharpent parfois pour un bout de territoire, un stand. Cette situation chaotique atteint les squats alentour qui les hébergent, et parfois les organisations politiques qui les (sou-)tiennent.
« Il y a eu trop de bordel ces derniers mois. On essaie de nettoyer ça », lance, lapidaire, Yanis, vieux militant de Nosotros (un centre social autogéré), à la manœuvre dans les ouvertures de lieux pour réfugiés en 2016, désormais attelé à la réfection d’une pizzeria. « Nettoyer »… Le terme fait un peu froid dans le dos, mais c’est une vieille antienne dans le quartier.
« Nettoyer », c’est autogérer ?
L’histoire remonte à quelques années, à l’époque où l’héroïne débarque dans le secteur. Une peur panique, devenue trauma de quartier, s’ancre alors : la fin du quartier militant serait pour bientôt, sous les coups coordonnés de l’État et des mafieux, avec la drogue comme fusil d’assaut. En réaction, les premiers groupes anti-mafia, quelques antifas et hooligans énervés, jouent des muscles, parfois plus, contre un ou deux dealers et, au passage, des junkies, pour « nettoyer » le quartier, déjà.
L’héro s’efface, mais en mars 2016, un militant d’un bar autogéré est poignardé (et gravement blessé) par un dealer. Quelques jours plus tard, 1 500 personnes défilent de nuit, avec un service d’ordre ultracarré, des flingues brandis en tête de manif. Un quadrillage façon IRA avec des groupes en faction devant des lieux réputés « tenus par la mafia » et interdits le temps d’un soir. Vestige de ce tournant, le slogan d’une banderole trône toujours sur Platia : « Mafia, dealers, capitalistes ! Tous dans une même main. » Le dealer est lui-même tué quelques semaines après la manif. La lutte anti-mafia se durcit, durablement.
Escalade de la violence, baisse d’affluence aux manif suivantes, les plaies seront profondes. D’autres militants tenteront bien d’occuper le terrain par d’autres actions, mais ils butent sur cette fuite militante et l’occupation 24 heures sur 24 de Platia par l’économie de la débrouille.
Haro sur le quartier (...)
Le « mouvement est plus désuni », avance Kharis. Et beaucoup considèrent, à l’image de Vlad, avoir été « les bouffons de Syriza, qui nous a laissé régler le problème des réfugiés, tout en tablant sur le bordel à Exarchia pour en récolter les fruits ». Mais il y a une autre face, plus positive, aux embrouilles à répétition : « Chacun s’est redéployé sur ses trucs ou dans d’autres quartiers. On ne se parle plus mais c’est redevenu plus constructif », estime Eleni. Et si Exarchia a perdu en centralité dans l’affaire, le mouvement anarchiste, comme le soutien aux réfugiés, là comme ailleurs, sont loin, très loin, d’être morts pour autant.