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Etre LGBTQ en Afghanistan : l’exil comme seule option
Article mis en ligne le 11 octobre 2021

Danish est transgenre, Khalid est gay. Craignant pour leur vie sous le régime des talibans, les deux Afghans viennent d’être évacués vers le Pakistan. Voici leur histoire.

Pendant des semaines, Danish a vécu dans une semi-obscurité. Depuis la prise de pouvoir par les talibans en août dernier, le jeune homme âgé d’une vingtaine d’années se cachait dans l’arrière-boutique d’un magasin à Kaboul.

Danish est transgenre. Sous le régime des talibans, il risque la peine de mort. Depuis qu’il a 13 ans, Danish, né de sexe féminin, sait qu’il est dans le mauvais corps, un corps qu’il "déteste". Sur les photos qu’il nous fait parvenir, il a les cheveux courts et porte des vêtements d’homme. (...)

Mais le 15 août, le jour où les talibans envahissent Kaboul, il devient victime d’une agression en pleine rue alors qu’il faisait ses courses. "Il y avait un taliban derrière moi, je ne l’avais pas vu venir", se souvient Khalid. L’homme le frappe avec un tube en plastique et lui lance : "Pourquoi avez-vous une démarche aussi féminine ? Vous ne savez pas comment marcher correctement ?" Depuis ce jour, Khalid n’a plus quitté sa maison. (...)

Pour un homme ayant des relations sexuelles avec un autre homme, il n’y a que deux punitions possibles, a expliqué un juge taliban dans une interview au tabloïd allemand Bild quelques semaines avant la chute de Kaboul : "C’est soit la lapidation, soit il doit se tenir devant un mur qui s’écroule sur lui. Le mur doit avoir une hauteur de 2,5 à 3 mètres." (...)

Fin septembre, le mollah Nooruddin Turabi, l’un des principaux membres fondateurs des talibans, a déclaré à l’agence de presse AP que le gouvernement allait réintroduire les exécutions et les amputations des mains pour les voleurs, comme dans les années 90. (...)

selon le code pénal afghan, les relations sexuelles hors mariage entre un homme et une femme restent interdites.

Au-delà du cadre légal, la discrimination et la violence à l’égard des personnes LGBTQ sont quotidiennes. Danish et Khalid en ont tous deux fait l’expérience. Ils ont été battus, rejetés par leur famille et les personnes de confiance sont devenues très rares.

Rencontres sous un faux nom

La communauté homosexuelle ne s’affiche pas ouvertement à Kaboul, explique Khalid lors d’une des conversations téléphoniques. Tout se déroule en secret pour des raisons de sécurité. Les rencontres s’organisent principalement grâce à une application, que les utilisateurs visitent sous un faut nom et avec une fausse photo de profil. (...)

Le rejet de la famille

Danish est de plus en plus rongé par la solitude, l’obscurité, l’incertitude et la peur de la mort. À ce jour, il n’a vu personne depuis plus d’un mois. Il ne se nourrit que d’eau et de biscuits.

Des tatouages ornent ses bras, ses mains et son cou. Danish s’est fait faire son premier tatouage il y a trois ans. Là encore, il s’agit d’un tabou dans la société afghane, explique-t-il, et les tatouages sont strictement interdits par les talibans.

Il s’est notamment fait tatouer le nom de la femme qu’il aime et avec laquelle il a été secrètement ensemble pendant deux ans. Mais la relation s’est arrêtée lorsque ses parents ont découvert sa transexualité. N’acceptant pas que leur fille éprouve le sentiment d’appartenir à l’autre sexe, Danish a même été marié de force à un homme.

Dans ses messages, il envoie également des photos montrant des hématomes sur ses bras, son dos et ses cuisses. "C’était mon père", explique Danish. Depuis ce passage à tabac, il n’a plus jamais revu sa famille. (...)

Le 25 septembre, 41 jours après la prise de pouvoir par les talibans, les ceux amis finissent ainsi par monter à bord d’un avion pour Islamabad, la capitale du Pakistan.

"Je me sens comme un oiseau. Je dois juste déployer mes ailes et m’envoler", raconte Khalid dans un message vocal après avoir appris la nouvelle.

Au Pakistan, Danish et lui sont désormais hébergés dans des lieux sécurisés. Ils y resteront jusqu’à ce que leurs documents soient en ordre pour leur permettre de déposer une demande d’asile dans un pays tiers. (...)