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Et le président d’Avril-Sofiproteol fut hué par les agriculteurs désespérés
Article mis en ligne le 4 septembre 2015

Les agriculteurs ont fait jeudi 3 septembre une démonstration de force en amenant 1 700 tracteurs dans la capitale. Mais les mesures négociées avec le gouvernement par Xavier Beulin, président de la FNSEA et d’Avril-Sofiproteol, les ont déçus. L’homme d’affaires a été sifflé et hué. Reportage à l’écoute des paysans désespérés et coincés dans l’impasse productiviste.

(...) Le président du premier syndicat agricole français sort de chez le Premier ministre et a réservé sa première prise de parole à ses troupes. « Le gouvernement nous a entendu […]. Vous n’êtes pas venus pour rien ! »

Il égrène les allègements de charges promis, l’année blanche pour ceux qui n’arrivent plus à payer leurs dettes, la suspension demandée et obtenue des normes environnementales… Mais les sifflements montent. « Cela ne résout rien ! » crie une voix dans les premiers rangs. Les micros et caméras se détournent de l’estrade pour se tendre vers un agriculteur bientôt cerné. « Vous n’avez rien compris ! Vous annoncez quoi là ? On n’a que dalle ! »
« Les éleveurs bretons n’ont plus rien »

François, éleveur de dindes dans le Finistère Nord, confirme : « Je passe mon temps à me demander comment je vais payer les factures. Je reçois des lettres des huissiers. Aujourd’hui, les éleveurs bretons n’ont plus rien. »

« Les bons mois, je me fais 600 euros de salaire, poursuit-il. Je travaille la nuit à distribuer des journaux pour compléter ! » Comme ses collègues, il est déçu du plan annoncé : « On nous dit qu’on va alléger les normes environnementales de l’Europe, et en même temps qu’on va devoir faire encore plus de dossiers pour avoir des aides ! Nous on demande du prix pour pouvoir vivre de notre produit, c’est pourtant pas compliqué ! Un geste fort ça aurait été de nous annoncer que Monsieur Le Foll n’est plus ministre de l’Agriculture. » (...)

L’espoir qui les portait encore au matin en arrivant à Paris s’est envolé. (...)

Parmi les éleveurs croisés sur la place, même ceux qui ne sont pas endettés reconnaissent avoir du mal à payer leurs factures. La plupart peinent à se verser un salaire décent. Certains admettent que le discours de la Confédération paysanne, syndicat minoritaire qui prône plus de circuits courts, de qualité, des fermes qui cessent de s’agrandir pour se diversifier, un arrêt de la course à l’export et à la « compétitivité », peut être séduisant… Mais il est considéré comme « irréaliste », ou réservé à une agriculture de niche. Tous répondent la même chose : « Vous voulez le retour des tickets de rationnement ? On ne pourra plus nourrir la France ! »

Tous ? Ou presque. Adossé à son tracteur, Mickaël Gentric nous répond, un peu gêné car pour lui « tout va bien ». Il est éleveur laitier avec ses trois frères dans le Finistère Sud : « On a une exploitation un peu spéciale, on est en bio… Plus un peu de chanvre et de haricots verts. » D’un système intensif, ils sont peu à peu passés à l’herbager puis au bio. « Le comptable nous avait dit : trouvez un autre système ou vous coulerez. Alors on a évolué et maintenant ça se passe bien. Regardez mes collègues. Le système est à bout ! »

Mais alors, pourquoi tout le monde ne fait-il pas du bio ? Il se considère chanceux. « On a toutes nos terres regroupées autour de l’exploitation, c’est plus facile de faire pâturer les vaches », explique-t-il. Et puis il y a un obstacle « mental : c’est difficile de voir ses vaches donner moins de lait, les rendements baisser un peu… Mais on s’en sort de mieux en mieux depuis deux ans qu’on est en bio. » (...)

« Le gouvernement est à la botte de la FNSEA », dénonce la Confédération paysanne dans un communiqué. « Modernisation et investissement sont au cœur de la mise sous perfusion d’un système périmé et destructeur où les exploitations doivent être de plus en plus grosses et avec de moins en moins de paysans », poursuit-il.

A la Coordination rurale, le président Bernard Lannes estime ces annonces « calamiteuses en terme de communication. Parce que la population pense qu’on repart avec 3 milliards d’euros, et les agriculteurs qui avaient encore un espoir sont maintenant désespérés, notamment les Bretons. On a peur que que ça dégénère de tous les côtés... »