En avril, les travailleurs en situation irrégulière ont obtenu la création d’un fonds exceptionnel pour les aider à faire face aux difficultés économiques de l’ère Covid. Mais il ne suffit pas à satisfaire tous les besoins.
Une table et quelques sièges sont installés entre deux longs panneaux blancs tapissés de clichés de la guerre d’Afghanistan. En cet après-midi de septembre, le Bronx Documentary Center (BDC), une galerie fondée dans le sud du Bronx par un ancien photographe de guerre, se prépare à accueillir des immigrés sans papiers.
Essentiellement hispaniques, ils viennent postuler à un fonds spécial pour « travailleurs exclus », l’« Excluded Workers Fund », avec l’aide d’un membre de l’équipe du BDC et d’une employée de l’ONG humanitaire International Rescue Committee (IRC). (...)
Pour eux, ce fonds est une véritable bouée de sauvetage. Femmes de ménage, ouvriers agricoles, employés du secteur de la construction, livreurs ou vendeurs de rue : du fait de leur statut migratoire, ils ont été exclus des aides diverses débloquées par les pouvoirs publics américains pendant la pandémie.
Sans filet social, certains se retrouvent dans des situations d’extrême précarité. Considérés comme « essentiels » hier, ils terminent parfois à la rue, sans emploi et endettés. « C’est très difficile », reconnaît Angie, une immigrée du Honduras rencontrée au BDC. (...)
Arrivée aux États-Unis il y a sept ans, elle a interrompu ses études médicales à l’université car elle ne pouvait plus assurer les frais de scolarité. « Je ne pouvais plus payer le loyer non plus. On m’a mise dehors avec ma fille de 8 ans et ma mère », explique-t-elle. Depuis un an, elles vivent toutes les trois dans un foyer pour sans-abri. (...)
New York est le seul État américain à avoir monté un fonds aussi important pour ses « exclus ». Adopté en avril à la suite de la mobilisation de plusieurs associations, il a été doté d’une enveloppe de 2,1 milliards de dollars. Pour être éligibles, les travailleurs doivent prouver que leurs revenus ont baissé de plus de 50 % entre février 2020 et avril 2021, et qu’ils résident dans l’État de New York.
En fonction de leur condition et des pièces apportées, ils peuvent toucher 3 200 ou 15 600 dollars brut, versés sur une carte de retrait. Le think tank Economic Policy Institute (EPI), favorable à l’initiative, a estimé que près de 300 000 sans-papiers dans l’ensemble de l’État pourraient bénéficier de ce dispositif. La plupart – 230 000 – se trouvent dans la ville de New York, où réside une population importante de personnes au statut illégal (500 000 personnes).
Cette injection d’argent pourrait également avoir un effet vertueux sur l’économie locale, qui peine toujours à se remettre de la pandémie. (...)
actions collectives (grève de la faim de 23 jours, blocages de ponts, manifestation devant l’appartement du milliardaire Jeff Bezos...) pour pousser les législateurs new-yorkais à mettre la main à la poche. « Ces sans-papiers paient des impôts aux États-Unis, que ce soit à titre individuel ou à travers leurs employeurs. Ils contribuent au filet social du pays », rappelle Bianca, qui travaille aussi pour Make the Road New York, une association de défense des immigrés, en pointe dans le mouvement.
Pas assez d’argent
Bien qu’elle se félicite de la mise en place de ce fonds inédit, le combat est loin d’être terminé. Depuis la fin septembre, soit moins de deux mois après son ouverture, il est déjà vide. Si plus de 350 000 dossiers ont été envoyés et 125 000 approuvés, de nombreux « exclus » n’ont pas encore pu postuler, en particulier dans les zones rurales de l’État de New York, où les associations qui les accompagnent sont moins présentes que dans les villes, et dans les endroits touchés par le passage de la tempête Ida en septembre.
Mardi 12 octobre, la Fund Excluded Workers Coalition a donc organisé un rassemblement en banlieue de New York pour exhorter la nouvelle gouverneure de New York, Kathy Hochul, à renflouer ce fonds crucial sans attendre. (...)