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Rue89/Nouvel Observateur
Erri De Luca au tribunal : quel sens donner au mot « saboter » ?
Article mis en ligne le 28 janvier 2015

Ce mercredi, l’écrivain Erri De Luca comparaît devant la justice italienne pour avoir employé le mot « sabotage », au sujet du projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin (TAV).

C’est dans une interview au Huffington Post italien, publiée en septembre 2013, qu’il a prononcé ces mots : « La TAV doit être sabotée. »

Relance du journaliste :

« Donc le sabotage et les actes de vandalisme sont licites ?

– Ils sont nécessaires pour faire comprendre que la TAV est un chantier nocif et inutile. »

Lyon Turin Ferroviaire (LTF), la société franco-italienne en charge de la construction de la ligne, a porté plainte pour incitation au sabotage. Erri De Luca risque jusqu’à cinq ans de prison.
Comme une grève ou un soldat

Au début du mois de janvier, Erri De Luca publie « La Parole contraire » (éd. Gallimard, 2015), un ouvrage dans lequel cet ancien ouvrier de 64 ans revendique sa liberté d’expression et le droit d’utiliser, au nom de la langue italienne, le verbe « saboter ». Son sens ne se réduit pas à la détérioration physique, explique-t-il. Le débat, au tribunal de Turin, s’annonce passionnant.

Dans « La Parole contraire », De Luca développe :

« Son emploi ne se réduit pas au sens de dégradation matérielle, comme le prétendent les procureurs de cette affaire.

Par exemple : une grève, en particulier de type sauvage, sans préavis, sabote la production d’un établissement ou d’un service.

Un soldat qui exécute mal un ordre le sabote.

Un obstructionnisme parlementaire contre un projet de loi le sabote.

Les négligences, volontaires ou non, sabotent. L’accusation portée contre moi sabote mon droit constitutionnel de parole contraire. Le verbe “saboter” a une très large application dans le sens figuré et coïncide avec le sens d’“entraver”. Les procureurs exigent que le verbe “saboter” ait un seul sens. Au nom de la langue italienne et de la raison, je refuse la limitation de sens. »
(...)

Le 17 décembre dernier, quatre opposants au TGV ont été condamnés à trois ans et demi de prison pour avoir causé des dégâts sur le chantier en mai 2013. Lundi, le tribunal de Turin a prononcé des peines de prison pour 47 personnes pour des affrontements avec la police italienne en 2011.

Erri De Luca a affirmé qu’il ne ferait pas appel de la décision de justice à son encontre. La prochaine audience de l’écrivain est fixée au 16 mars.