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Mediapart
Éric Dupond-Moretti se vante d’avoir suggéré une enquête sur les sources de Mediapart
Article mis en ligne le 31 mars 2022

Le ministre de la justice a affirmé sur procès-verbal avoir suggéré au plus haut magistrat de France d’ouvrir une enquête pour trouver les sources de Mediapart après la publication d’un article embarrassant, selon les révélations d’un livre (...) récemment paru en librairie, Ministère de l’injustice (Grasset), coécrit par Jean-Michel Décugis, Pauline Guéna et Marc Leplongeon.

Cette requête, qui n’a pas été suivie d’effet, a été formulée en personne auprès du procureur général de la Cour de cassation, François Molins, après la publication d’un article de Mediapart ayant embarrassé le garde des Sceaux dans l’affaire qui lui vaut désormais une mise en examen pour « prise illégale d’intérêts » – une première dans l’histoire judiciaire.

Des éléments obtenus depuis par Mediapart confirment la teneur des informations contenues dans Ministère de l’injustice, ce qui est de nature à venir ternir encore un peu plus l’image d’Éric Dupond-Moretti alors que s’achève, dans le tumulte pour le ministre après un récent article du Monde, le quinquennat d’Emmanuel Macron.

Les faits remontent à l’automne 2020, après la publication d’un article sur la vendetta lancée par le ministre à l’égard de trois magistrats du parquet national financier (PNF) avec lesquels Éric Dupond-Moretti a été en conflit quand il était avocat avant sa nomination place Vendôme. (...)

Le ministre voudrait savoir qui informe Mediapart

Dans ce contexte, Mediapart a révélé qu’Éric Dupond-Moretti avait fait part, dès le 15 septembre 2020, à des membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) réunis à l’Élysée, de sa volonté d’engager des poursuites disciplinaires contre les magistrats du PNF, et ce, avant même d’avoir eu une analyse approfondie de ses services sur un rapport d’inspection portant sur le PNF. Les annonces de poursuites ne seront faites officiellement que trois jours plus tard, le 18 septembre.

L’article de Mediapart, dont le contenu montrait donc la préméditation de la vendetta lancée par le ministre, a été versé à la procédure de la CJR et a fait l’objet d’investigations de la part des magistrats chargés de l’instruction visant Éric Dupond-Moretti.

Dans Ministère de l’injustice, les auteurs et l’autrice du livre révèlent des extraits de la déposition du ministre de la justice devant la CJR. (...)

Surtout, l’ouvrage Ministère de l’injustice dévoile un autre extrait de la déposition du ministre, s’agissant d’une suggestion qu’il se vante d’avoir lui-même formulée à l’attention de François Molins, par ailleurs coprésident du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), organe institutionnel garant de l’indépendance de la justice en France. (...)

Contacté à de nombreuses reprises ces deux dernières semaines, le ministre de la justice n’a pas donné suite à nos demandes. (...)

Sur le fond des faits mis au jour par Mediapart, et qui semblent tant susciter la colère d’Éric Dupond-Moretti, le livre Ministère de l’injustice apporte également de nouvelles informations embarrassantes pour le ministre. En effet, l’ouvrage dévoile une série de textos échangés au sein du cabinet du garde des Sceaux – et saisis par les enquêteurs de la CJR –, qui confirment que l’offensive disciplinaire contre les magistrats du PNF semble avoir été décidée par Éric Dupond-Moretti avant toute analyse sérieuse de ses services. (...)

Récemment interrogé sur la raison pour laquelle Éric Dupond-Moretti était maintenu au gouvernement en dépit de sa mise en examen, alors qu’il avait promis que tout ministre poursuivi devrait démissionner, Emmanuel Macron a expliqué que cette jurisprudence n’avait plus lieu d’être depuis une loi de 2013 – il avait pourtant formulé sa promesse en… 2017 –, et a déploré que cette enquête soit menée par une juridiction où les syndicats de magistrats, plaignants devant la CJR mais non parties à la procédure, siègent « eux-mêmes » – ce qui est faux.