Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Le Monde
Entre colère et culpabilité, ces Français qui renoncent à manifester par peur des violences
Article mis en ligne le 27 décembre 2020

Ces dernières années, la montée des tensions lors des mobilisations citoyennes a découragé de nombreux Français de descendre dans la rue. Un renoncement teinté de colère, de frustration ou de culpabilité.

Le dilemme se repose à chaque fois : y aller ou pas ? Puis tout leur revient. C’est cette manifestation pour le climat en septembre 2019, « scène de fin du monde », où Jeanne, éditrice parisienne de 28 ans, s’est retrouvée « prise au piège entre un boulevard saturé de gaz lacrymogènes, des voltigeurs rugissants et des forces de l’ordre qui frappaient sans distinction » ; elle se souvient encore de la détresse des enfants et des personnes âgées cherchant à se réfugier. (...)

« le “tiens allons manifester” se transforme en “restons au chaud, en sécurité”. On se déteste d’être lâche ».

Comme eux, les quelque 80 personnes de tout âge qui ont répondu à notre appel à témoignages nous ont expliqué avoir cessé de défiler ces dernières années, ou ne plus le faire que rarement, par crainte d’être nassés, matraqués, blessés… Une appréhension à laquelle s’ajoute l’usure de voir les revendications détournées par les images d’affrontements entre groupes violents et forces de l’ordre. (...)

Si les violences en manifestation sont loin d’être inédites, ces dernières années – notamment depuis le tournant de la loi travail, en 2016 – sont marquées par une « escalade », analyse Danielle Tartakowsky, historienne des mouvements sociaux. « Corollaire d’un mouvement de brutalisation du maintien de l’ordre et de moindre encadrement par les organisations syndicales, la peur d’aller manifester s’est diffusée », ajoute Fabien Jobard, coauteur avec Olivier Fillieule de Politiques du désordre (Seuil, 304 pages, 21 euros) – enquête la plus récente sur le sujet. (...)

Un phénomène d’autocensure qui, s’il n’est pas quantifiable, faute d’enquête, est observé par les spécialistes des mobilisations. (...)