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Rue 89 / Nouvel Observateur
Enfants pauvres placés de force en Suisse : ils parlent
Article mis en ligne le 23 septembre 2014
dernière modification le 14 septembre 2014

Jusqu’en 1981 en Suisse, 100 000 enfants de la pauvreté ont été placés de force dans des familles ou des institutions. De plus en plus de victimes franchissent le mur de la honte pour demander reconnaissance et réparation. Rencontres avec notre partenaire swissinfo.ch.

Le 31 mars 2014 devant le Palais fédéral à Berne, un groupe d’anciennes victimes ou de leurs descendants ont lancé officiellement la campagne de signatures pour l’initiative populaire demandant la création d’un fonds de réparation (Via Swissinfo.ch) (...)

Ce grand gaillard d’allure sportive, c’est Clément Wieilly, fondateur de l’association Agir pour la dignité et membre de la Table ronde créée par la Confédération en 2013 pour aider les victimes de placements forcés et de mesures de coercition à des fins d’assistance. (...)

Il est aussi membre du comité de l’initiative populaire fédérale « sur la réparation », exigeant la création d’un fonds de réparation de 500 millions de francs.

Nous avons une heure et demie devant nous, le temps pour mon passager de raconter son enfance volée. Le tout entrecoupé de nombreux coups de téléphone. (...)

Pour Clément Wieilly, tout a basculé au printemps 2013, quand la ministre suisse de la Justice Simonetta Sommaruga a invité les anciennes victimes à une cérémonie d’excuses.

‘C’est bizarre, ce qui m’est arrivé, c’est un hasard de la vie. Je suis allé à Berne et j’ai décidé d’agir.’ (...)

‘Ma médiatisation’ a attiré l’attention d’autres victimes et, à ce jour, j’ai dans les 500 personnes qui se sont adressées à moi. En dix mois, j’ai parcouru 6 000 km pour recueillir leur témoignage, les aider à accéder à leur histoire aux archives.”

Il s’agit aussi d’aider les 10 000 à 20 000 anciennes victimes encore en vie. (...)

ROSE-FRANCE : “CE QUI M’A AIDÉE ? LA RAGE”
“Je suis née à Lausanne en 1943, la dernière de cinq enfants, tous placés en institution. On ne laissait pas leurs enfants aux mères célibataires, aux femmes qui avaient fauté, comme on disait. A 2 mois j’ai été mise en pouponnière puis, dès 2 ans, chez des sœurs. J’ai été élevée à coups de poing, personne ne payait de pension et il fallait travailler et prier. Quand on faisait pipi au lit, on devait laver ses draps. A 13 ans, alors que j’étais indisposée, une sœur a voulu s’occuper de ma toilette intime. J’ai fugué chez ma mère mais elle était remariée avec un légionnaire qui buvait et me tapait. Il m’a mise à la rue à 15 ans. Ma sœur aînée m’a aidée mais je n’ai pas terminé l’école. J’ai fait des petits boulots jusqu’à ce qu’une connaissance me propose un emploi dans une banque, j’ai saisi ma chance et j’ai travaillé jusqu’en 2000.

Mon père, je l’ai vu quatre fois. La dernière fois, en 1969 (il est mort en 1970), je l’ai vu dans un café. Je me suis assise exprès à côté de lui, mais il ne m’a pas reconnue. Je suis tombée sur un mari qui me battait et je me suis retrouvée seule avec deux enfants. Mon fils connaît mon histoire mais je n’ai rien dit à ma fille, elle est trop révoltée. Elle est infirme suite à un accident et j’ai peur qu’on lui prenne son fils de 14 ans. C’est comme si le cercle ne se cassait jamais et que mon histoire revenait toujours.

Ce qui m’a aidée ? La rage.” (...)