
Comment accompagner les jeunes victimes de violence ? Comment recueillir leur parole ? À 18 ans, Emma Étienne a fondé l’association Speak, pour briser le tabou des violences infantiles. Son atout : la jeunesse de ses accompagnateurs qui permet de tisser des liens et de créer une relation de confiance pour libérer la parole.
(...) À 18 ans, elle a fondé Speak, une association dont la vocation est de libérer la parole des mineurs victimes de violences. La maltraitance infantile, Emma Étienne en a elle-même été victime. "Le jour de mes 18 ans j’ai créé l’asso pour faire quelque chose de ma vie !" Elle explique : "Quand on est quelqu’un qui a vécu des trucs, quand on s’est vu mourir, on a besoin de se sentir vivant après. Moi ma façon de me sentir vivante, c’est d’aider les autres."
À 20 ans, Emma Étienne est étudiante en lettres modernes. C’est la fondation des Apprentis d’Auteuil qui l’a aidée à s’en sortir. Et ça lui a "sauvé la vie", comme elle le dit elle-même. (...)
Briser le tabou des violences infantiles, c’est l’objectif de Speak, qui veut dire "parler" en anglais. L’association veut aussi "renouveler ce qui se fait au niveau de la protection de l’enfance… pour que les jeunes ne soient plus juste des dossiers !" Sortir des cadres pour ne pas ajouter de la violence à la violence. (...)
Speak s’inspire des travaux de Marie Rose Moro, pédopsychiatre, pour qui recueillir la parole d’un enfant victime de violences doit se faire au rythme de l’enfant.
Très présente sur les réseaux sociaux, l’association basée à Dijon compte une trentaine de bénévoles. Son atout, c’est l’âge de ses accompagnateurs. "Le fait d’être jeune, ça veut dire qu’on a le même langage qu’eux, on a la même culture, on comprend un peu tout ce qu’ils peuvent nous dire", selon Claire, 24 ans, secrétaire bénévole chez Speak et étudiante en droit. Avoir des choses à partager permet de tisser un lien de confiance. Tôt ou tard, cela aidera le jeune à se confier. (...)
Quand un jeune se confie : comment recueillir la parole de l’enfant ?
Emma, mais aussi Claire ou Clémentine ne sont ni éducatrices, juge ou psy… L’important c’est d’avoir une "posture d’empathie", selon la fondatrice de l’association. L’association Speak forme ses accompagnateurs bénévoles, notamment à l’accueil de la parole des jeunes. (...)
Avant d’accompagner le jeune dans une démarche de signalement, l’association se veut "très transparente" avec lui, précise Emma Étienne. "Pour l’instant, ceux qui ont révélé les trucs les plus graves ils les ont dit à moi. Ils me connaissant bien. Ils savent que je suis quelqu’un de tenace, ils savent que je ne vais pas les lâcher, que je serai là coûte que coûte et que je vais me démener pour que leur situation s’arrange. Quand ils nous parlent, ils savent qu’on va les aider par derrière. Les jeunes ne nous demandent pas de garder le silence, ils savent qu’on sera là et ça change tout en fait." (...)
La procédure de signalement peut être lourde et peut se retourner contre l’enfant. Emma Étienne encourage chacun à être vigilant autour de soi : ça peut être un voisin, un membre de la famille... En France, un enfant sur cinq en serait victime, peut-être même plus… Si on hésite à agir, Emma Étienne conseille de se mettre à la place de l’enfant : "C’est un vrai enfer d’être victime de violence. Ça ne détruit pas des familles. Ce n’est pas le fait de signaler qui détruit la famille, c’est la famille qui réagit en s’autodétruisant." (...)
L’association Speak encourage chacun à "sortir des tabous". "Oui les violences existent, et, oui, elles détruisent des vies pour de vrai. En parler, c’est la meilleure solution."