
Quatre familles, qui occupaient depuis six mois deux maisons vides à Roubaix, ont été expulsées par la mairie avec l’aide de la police municipale. Une vingtaine de personnes, dont une quinzaine d’enfants, on été mises à la rue. Les associations de quartier dénoncent une expulsion illégale. En guise de relogement, le maire a proposé quatre tentes...
Elles en avaient marre d’être ballotées de campements en terrains et de terrains en campements. Faute de mieux, quatre familles roms ont réquisitionné en mai dernier deux maisons de la rue Franklin à Roubaix. Avec le soutien de Droit au logement (DAL) et d’associations de quartier, elles ont occupé pendant six mois ces logements, se sont intégrées dans le quartier et ont scolarisées leurs enfants. Rachetées par la Ville, les maisons étaient vides depuis plusieurs années, puisque promises à une démolition dans le cadre d’un projet de nouvelle rue.
Qualifiant ces logements « d’insalubres et de dangereux », la municipalité a entamé fin juin une procédure judiciaire pour mettre un terme à cette occupation. Obtenant du Tribunal d’instance un jugement d’expulsion exécutoire sans délai, la ville a dans la foulée dépêché un huissier, qui a procédé dans la matinée du 18 octobre à l’évacuation des familles, une expulsion pour le moins expéditive.
Expulsion illégale
Les militants associatifs locaux sont consternés. « La mairie a décidé de se faire justice elle-même. La procédure n’a pas été respectée, tance Philippe Deltombe, président du DAL Nord-Pas-de-Calais. L’huissier a exécuté l’ordre d’expulsion sans demander le concours de la force publique ». Comme le rappelle le DAL, « l’usage de la force pour priver un ménage de son domicile est un privilège de la police qui ne peut intervenir en droit français qu’avec l’autorisation du Préfet. En prétendant que les occupants sont partis de leur propre chef, l’huissier et la mairie de Roubaix se sont affranchis de cette règle. Leurs effets personnels ont été laissés dehors, sous la pluie, et non placés dans un garde-meuble comme la loi l’exige » (...)
La presse locale décrit « une scène déroutante » : « Des hommes allongés sur le trottoir alors qu’on scelle les portes et mure les fenêtres. Des femmes aux traits tirés qui serrent leurs enfants contre elles et n’ont que leurs yeux pour exprimer leur détresse. Sans caravane ni solution de repli, l’expulsion équivaut à une mise à la rue, ils le savent. Comme nombre de passants, médusés par le « spectacle » qui ont tenu à témoigner leur indignation », rapporte le quotidien Nord Eclair. (...)
Une solution a pourtant été proposée... « Un geste de grande bonté : le maire a proposé quatre tentes, ironise Philippe Deltombe. Sauf que monter des tentes sous la pluie, pour y faire dormir des enfants, c’est quand même plus que problématique. » Devant l’inaction de la municipalité, le DAL a saisi le ministère du Logement. Le ministère aurait assuré, à l’occasion d’un déplacement de Cécile Duflot le 11 octobre à Roubaix, qu’il n’y aurait pas d’expulsion de ces familles. (...)
les familles « sont à l’abri », grâce aux associations qui les hébergent dans un dortoir improvisé. « Ce qui est dramatique, c’est qu’on assiste à un désistement complet de la part des autorités. Les roms, personne n’en veut. Du coup, la situation de ces familles ne repose plus que sur des initiatives associatives ou individuelles, alors qu’elle devrait être du ressort des pouvoirs publics », déplore Dominique Dumontet, président de La Solidarité. (...)
un abandon d’autant plus étonnant que Martine Aubry, présidente de la Communauté urbaine de Lille, dont fait partie Roubaix, avait condamné, fin août, devant la Ligue des droits de l’Homme (LDH), les expulsions de roms sans relogement. Elle avait « affirmé que la France et la Région avaient les moyens d’accueillir dignement les Roms actuellement présents », selon la LDH.
Dominique Dumontet salue cependant l’élan de solidarité qui a accompagné les familles. « On entend beaucoup parler des gens qui n’aiment pas les roms, mais on voit aussi arriver des personnes qui ne sont pas d’accord avec cette discrimination et font un petit geste pour témoigner de leur soutien, apporter des couches ou préparer des repas. Certains se rendent compte qu’il y a 30 ou 40 ans, c’était eux les immigrés qu’on accusait de vols, de vandalismes et de toutes autres sortes de nuisances. » (...)