Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
En Tunisie, des petits paysans s’organisent contre la bio industrielle
Article mis en ligne le 7 février 2020

Alors que les surfaces consacrées à l’agriculture biologique ont augmenté de manière exponentielle depuis 2000, la Tunisie n’a toujours pas pris de virage résolument écologique. L’agriculture bio reste destinée à l’export, exclut la petite paysannerie et exerce une forte pression sur les ressources naturelles.

(...) Titulaire d’un diplôme universitaire en contrôle qualité des aliments et hygiène, Leïla est issue d’une famille de paysans, elle a repris le flambeau avec joie. Avec fierté aussi, en apportant sa contribution à l’agriculture locale, pour des techniques plus respectueuses de l’environnement et de la santé des êtres humains. (...)

« J’ai perdu deux membres de ma famille à cause du cancer et de l’insuffisance rénale. Ce sont les pesticides et les fertilisants qui les ont tués », dit la jeune femme qui veut mettre le bio à la portée des Tunisiens. Elle vend ses produits aux habitants de la région, monte parfois à Tunis pour participer à des foires et envoie de temps en temps des colis à ses clients. Agriculture tournée vers le marché local, durable et éthique, Leïla coche toutes les cases de l’exploitation verte et vertueuse. Mais c’est une exception dans le pays.

La Tunisie est la championne de la bio en Afrique. C’est le pays du continent qui compte le plus grand nombre de terres consacrées à cette agriculture (...)

De bons indicateurs pour la filiale, dont ne se réjouit absolument pas Rim Mathlouthi. Elle est présidente de l’Association tunisienne de permaculture, fondée en 2015 : « On parle de chiffres mais il faut voir ce qui se cache derrière. La bio en Tunisie, c’est de la monoculture. On est très contents parce qu’on exporte et qu’on rentre des devises, mais si moi demain je veux manger des dattes bio, je galère pour en trouver ! » (...)

La bio tunisienne s’est développée dans les années 2000, avec la croissance de la demande européenne. Le vieux continent avait besoin de produits certifiés, le voisin du sud de la Méditerranée s’est engouffré dans le marché, avec une première loi sur l’agriculture biologique en 1999, avant d’obtenir dix ans plus tard l’équivalence des normes européennes. Dès l’origine, elle a été conçue comme une production destinée à l’export. La conversion de dizaines de milliers d’hectares de palmiers dattiers et d’oliviers s’est faite assez facilement, ces plantations répondant naturellement aux critères de certification. L’effort fourni par les paysans et les autorités aurait été tout relatif, d’après Rim Mathlouthi : « Ça me dépasse un peu ce truc de l’huile d’olive bio. Je n’ai jamais vu aucun agriculteur mettre des intrants sur ses oliviers, jamais. Pour moi c’est du business, c’est une manière de parler, c’est du commerce. » (...)

Loin d’entraîner une modification profonde du modèle de développement agricole, l’introduction des certifications bio européennes a seulement contribué à verdir, en apparence, une partie de la production. (...)

Pour Chokri Damergi, enseignant-chercheur à l’Institut national agronomique de Tunisie, désormais « quand on dit bio, on parle d’un système durable de production, qui respecte la nature, le bien-être animal et préserve les ressources pour les générations futures ».